Soupçons de corruption au sein de la garantie des salaires (AGS) : la justice amenée à se prononcer sur le statut de lanceuse d’alerte de son ancienne directrice générale

Paris, le 15 mai 2025 – Un an jour pour jour après la reconnaissance de son statut de lanceuse d’alerte par la Maison des Lanceurs d’Alerte, l’affaire opposant Houria Aouimeur à son ancien employeur a été examinée par la Cour d’appel de Paris. Directrice générale du régime AGS entre 2018 et 2023, elle a dévoilé l’existence d’un système de possibles détournements de fonds estimé à plusieurs milliards d’euros, ce qui lui a valu de nombreuses pressions internes et un licenciement en février 2023. Il appartient désormais au juge de se prononcer sur le statut de lanceuse d’alerte d’Houria Aouimeur : une telle reconnaissance serait un message fort pour la protection des lanceur·ses d’alerte qui luttent contre la corruption. Le délibéré aura lieu le 10 juillet.

Rappel des faits

Le 15 mai 2025, s’est tenue devant la Cour d’appel de Paris, l’audience opposant Houria Aouimeur à son ancien employeur, l’Unédic, qui assure la gestion opérationnelle du régime AGS (Assurance pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés), un organisme privé qui garantit les salaires des employés des entreprises en redressement ou liquidation judiciaire.

Nommée directrice générale de l’AGS fin 2018, Houria Aouimeur met en évidence des risques graves de détournement de fonds, pour des montants se chiffrant en milliards d’euros. Pour mettre fin à ces pratiques heurtant l’intérêt général, Houria Aouimeur engage une série de mesures destinées à mettre en conformité les procédures de contrôle et effectue plusieurs signalements internes. Sans réponse concrète de la part de sa hiérarchie, elle saisit les autorités judiciaires. Deux plaintes sont déposées dès 2019 à son initiative, notamment pour des soupçons d’abus de confiance, de corruption active et passive, et de prise illégale d’intérêt. L’association Anticor, membre de la Maison des Lanceurs d’Alerte, s’est constituée partie civile dans ce dossier.

Houria Aouimeur dénonce une longue série de représailles : intrusions à son domicile, piratage de ses courriels, actes de filature, dispositifs d’écoute dissimulés dans son bureau et dans son domicile, ainsi que des actes d’intimidation visant ses proches et ses collaborateur·trices. Le 23 février 2023, elle est licenciée pour « faute lourde », l’Unédic l’accusant de prétendues dépenses injustifiées – ce qu’elle conteste fermement. Le 7 novembre 2023, le conseil des prud’hommes de Paris, saisi en référé, refuse de la reconnaître lanceuse d’alerte. Saisies ultérieurement, la Maison des Lanceurs d’Alerte et la Défenseure des Droits ont pourtant toutes deux reconnu le statut.

Une décision très attendue dans une affaire emblématique de corruption

Le délibéré très attendu interviendra le 10 juillet 2025. Manon Yzermans, responsable juridique de la MLA, souligne : « Protéger juridiquement les lanceur·ses d’alerte, c’est lutter efficacement contre la corruption. Dans cette affaire, il est attendu que la Cour d’Appel confirme la compétence du juge des référés pour se prononcer sur la nullité de son licenciement, en le qualifiant de mesure de représailles. Cette compétence spéciale du juge de l’urgence, introduite par la loi Waserman et encore trop peu consacrée en jurisprudence, viendrait renforcer le droit des lanceur·ses d’alerte à voir leur dossier jugé dans des délais raisonnables. »

Un autre enjeu majeur de cette audience réside dans le cas de la cheffe de cabinet de Houria Aouimeur. Reconnue comme facilitatrice par la Maison des Lanceurs d’Alerte et par la Défenseure des droits, elle devrait à ce titre, bénéficier des mêmes protections qu’un·e lanceur·se d’alerte, notamment l’annulation de son licenciement. C’est la première fois qu’une juridiction est appelée à se prononcer sur la notion de facilitateur·trice, nouveau statut protecteur introduit par la loi Waserman en 2022. Cette décision pourrait ainsi marquer un tournant dans l’application concrète de ce texte encore jeune, et pourrait faire office de jurisprudence.

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