Pierre Hinard

« En tant que père, je ne pouvais pas rester silencieux en sachant que des enfants étaient exposés à de la viande toxique. »

Type d’alerte : manquements sanitaires graves dans la chaîne de production de viande, incluant la commercialisation de viande avariée.

Agronome, Pierre Hinard a consacré sa carrière à la recherche de filières alimentaires alternatives plus éthiques. Après des années passées dans le secteur agroalimentaire, dont un poste de Directeur Qualité chez un important industriel de la viande, il est confronté de l’intérieur à des pratiques gravement défaillantes. Entre 2006 et 2008, alors qu’il travaille pour Castel Viandes, un fournisseur de grandes enseignes de distribution et de restauration rapide, il découvre des manquements graves aux règles sanitaires : viandes plusieurs fois décongelées et recongelées, réétiquetage frauduleux, pièces impropres à la consommation, parfois infestées d’asticots, remballées en toute illégalité. Ces opérations de remballage ont souvent lieu le samedi, jour où la Direction des Services Vétérinaires (DSV) ne travaille pas, assurant ainsi l’absence totale de contrôle.

Il alerte alors sa direction et les services vétérinaires. Son signalement est ignoré. Pire : l’inspecteur vétérinaire prévient la direction au lieu de saisir les produits, et Pierre Hinard est immédiatement mis à pied, puis licencié. S’ensuit une mise au ban du secteur, des pressions sur ses proches, un isolement professionnel et une plainte en diffamation de la part de Castel Viandes, retirée in extremis la veille du procès — une manœuvre qu’il qualifie à juste titre de procédure bâillon.

En 2014, Pierre Hinard publie Omerta sur la viande (Éditions Grasset), un ouvrage dans lequel il révèle les dérives du secteur.

Il faudra attendre le 30 juin 2022 pour qu’une première reconnaissance judiciaire intervienne : Jeff Viol, le PDG de Castel Viandes est condamné à six mois de prison avec sursis et 10 000 € d’amende pour tromperie et mise sur le marché de produits d’origine animale dangereux pour la santé. L’entreprise elle-même écope d’une amende de 40 000 €.

Le 10 avril 2024, la Cour d’appel de Rennes prononce la nullité de son licenciement, reconnaissant que la véritable cause de la rupture de contrat est son signalement aux services vétérinaires. La justice écarte les griefs professionnels qui lui étaient reprochés. « C’est une grande victoire pour les lanceurs d’alerte. Je suis reconnu comme ayant lancé une alerte justifiée, bénéfique à l’intérêt général et à la santé publique », déclare-t-il. Son ancien employeur est condamné à lui verser 30 000 € de dommages et intérêts. Au total, son combat judiciaire aura duré plus de 15 ans.

En alertant les autorités, Pierre Hinard a agit pour protéger la santé publique face à un système où la recherche du profit primait sur la sécurité alimentaire. Aujourd’hui, Pierre Hinard continue de militer pour un système alimentaire transparent et respectueux de la santé des consommateur·trices. Il est le premier lanceur d’alerte dans le secteur agroalimentaire en France à avoir obtenu la condamnation de son ancien employeur.

En savoir plus

    • Entretien. Affaire Castel Viandes, une victoire pour le lanceur d’alerte Pierre Hinard, même si “les condamnations restent symboliques”, France Info, juin 2025.
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    • Affaire Castel Viandes : le « lanceur d’alerte » Pierre Hinard gagne son procès en appel, Ouest France, avril 2024.
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    • Le licenciement du lanceur d’alerte de Castel viande, à Châteaubriant, jugé abusif par la cour d’appel, France Bleu, avril 2024.
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    • Procès du groupe Castel Viandes : la reconnaissance du rôle du lanceur d’alerte par le procureur de la République, France Info, mai 2022.
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