Partenariat entre le PNF et la MLA : “C’est important de sensibiliser les juges aux problématiques des lanceurs d’alerte”

Le 8 décembre 2021, le parquet national financier (PNF) et la Maison des Lanceurs d’Alerte (MLA) ont signé un protocole d’accord qui a pour objectif de définir les modalités pratiques de leur coopération. Juliette Alibert, avocate auprès de la Maison des Lanceurs d’Alerte, revient sur les enjeux de cette collaboration.

 

Pourquoi ce partenariat avec le parquet national financier (PNF) ?

Juliette Alibert : Ce partenariat fait suite à une pratique qui s’est développée au regard des dossiers reçus par la MLA. Plus d’un tiers des alertes que nous recevons portent sur des faits de corruption, malversations ou fraudes financières. On souhaitait créer un canal particulier d’échange avec le PNF pour pouvoir relayer des alertes sensibles et travailler de concert avec eux. Eux voulaient pouvoir nous envoyer des lanceurs d’alerte en difficulté pour qu’on puisse trouver des solutions et les accompagner dans leur démarche et leurs autres procédures, par exemple aux prud’hommes.

Quel intérêt pour les lanceurs d’alerte ?

JA : Cette collaboration donne aux lanceurs d’alerte la capacité d’utiliser l’association “Maison des Lanceurs d’Alerte” comme pare-feu entre leur alerte et les personnes qu’elles mettent en cause. L’association peut, le cas échéant, porter l’alerte au nom des lanceurs d’alerte en garantissant la confidentialité de leur identité. Savoir qu’on est en lien avec les juridictions montre qu’on peut être un appui pour que leurs dossiers avancent efficacement.

Et pour le traitement des alertes ?

JA : Ce canal d’échange que nous avons avec le PNF permet de le mobiliser sur les alertes les plus sensibles, les alertes étayées et sérieuses qui ont déjà fait l’objet d’une instruction par la MLA.
Le PNF conserve pleinement sa marge d’appréciation sur les dossiers, bien sûr, mais dès lors qu’il est saisi par la MLA, il sait qu’il y a des éléments qui ont déjà été vérifiés. Ça donne des garanties pour que l’alerte soit prise au sérieux et c’est une reconnaissance de la qualité du travail de fond que réalise la MLA.

Qu’est-ce que cette collaboration dit des relations entre la justice et les lanceurs d’alerte ?

JA : Aujourd’hui, il n’y a pas de culture de l’alerte dans les entreprises et les administrations. Souvent, les alertes ne sont pas traitées en interne. Les dossiers que l’on reçoit le montrent bien. Cette collaboration dit que, pour qu’une suite soit donnée aux alertes, on ne peut malheureusement pas se passer d’un traitement judiciaire, de juges qui font des investigations qui peuvent aller jusqu’aux poursuites pénales.
La transposition de la directive européenne va donner aux lanceurs d’alerte la possibilité de saisir directement les autorités judiciaires, sans passer d’abord par le filtre interne de leur hiérarchie. Le PNF, comme toutes les autorités judiciaires, vont donc recevoir davantage de dossiers. C’est très important que les professionnels du droit, en premier lieu les juges, soient sensibilisés à la question de l’alerte et aux problématiques des lanceurs d’alerte. Donc un partenariat avec une association spécialisée est un signe fort.