
Paris, le 30 juin 2025.- Mardi 24 juin, le Tribunal Judiciaire de Paris a rejeté une action en responsabilité civile intentée contre la lanceuse d’alerte Houria Aouimeur par un mandataire judiciaire. Directrice du régime AGS (Assurance pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés) entre 2018 et 2023, elle a dévoilé l’existence d’un système de possibles détournements de fonds estimé à plusieurs milliards d’euros, ce qui lui a valu de nombreuses pressions internes et un licenciement en février 2023. Cette action visait à engager sa responsabilité civile pour avoir mis un terme à un système de « restitutions» de fonds par l’AGS à certaines études de mandataires judiciaires.
Nommée directrice générale de l’AGS fin 2018, Houria Aouimeur met en évidence des risques graves de détournement de fonds au sein de ce régime. Elle découvre notamment l’existence d’un système de « restitutions » accordées à certaines études de mandataires judiciaires. Ce mécanisme, hors de tout cadre légal, transformait l’AGS en véritable « banquier » pour certains de ces professionnels. Concrètement, le régime leur « restituait » des fonds au titre de prétendus remboursements de frais divers et variés – honoraires, frais de justice, etc. – sans qu’aucun justificatif ne soit systématiquement exigé. Les sommes ainsi « restituées » pouvaient dépasser 2 millions d’euros pour un seul dossier.
Les dossiers suivis par l’AGS ont ainsi donné lieu à d’importants flux d’entrée (« récupérations ») et de sorties d’argent (« restitutions »). L’ampleur et l’opacité de ces mouvements soulèvent des interrogations quant à d’éventuelles pratiques de blanchiment.
Avant 2019, les contrôles effectués par l’AGS étaient largement insuffisants. C’est dans ce contexte, qu’Houria Aouimeur a mis un terme à ce système, qui constituait l’un des principaux objets de ses alertes.
En 2022, un mandataire judiciaire ayant eu largement recours à ce système, soutenu par le Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires (CNAJMJ), l’attaque en responsabilité civile. Il estime qu’en remettant en cause cette pratique des restitutions, Houria Aouimeur a commis une faute, pour laquelle elle devrait être condamnée à payer.
Ainsi, selon le jugement « (…) la pratique mise en place par l’AGS prévoyant une telle restitution est contraire aux dispositions précitées du code de commerce et du code du travail. Les dispositions en cause constituant des dispositions d’ordre public, elles ne peuvent pas être tenues en échec par un engagement ou une pratique. » En d’autres termes, la Cour reconnaît l’action de Houria Aouimeur comme ayant permis de mettre fin à une pratique en place depuis des années, qui était non seulement illégale mais aussi contraire à l’ordre public. Pour rappel, les montants concernés par ce système de restitutions se chiffrent à plus de cent millions d’euros, sur une période de 10 ans concernée par les découvertes puis signalements de Houria Aouimeur.
Manon Yzermans, responsable juridique de la MLA, souligne : « Ce jugement vient renforcer la légitimité et la nécessité de la démarche d’alerte de Houria Aouimeur. Il met en exergue son rôle actif pour mettre fin à un système bien ancré qui portait atteinte à l’intérêt général. Les magistrats doivent désormais en tirer les conséquences dans le cadre des procédures sociales, en reconnaissant son statut de lanceuse d’alerte, et en concluant à la nullité de son licenciement, intervenu en représailles. »
Une lanceuse d’alerte attaquée judiciairement pour avoir mis fin à une pratique à risque
Ses alertes internes avaient été portées à la connaissance des dirigeants du MEDEF, de l’Unédic et des autorités publiques. Plutôt que d’être protégée, elle a été écartée, puis licenciée.
Dans le cadre de la présente procédure, Houria Aouimeur est personnellement attaquée pour avoir mis fin à ce système illégal. Cette action vient s’ajouter aux nombreuses procédures pénales et sociales pendantes, dans le cadre desquelles Houria Aouimeur se bat depuis des années pour que justice soit rendue. Ce dossier illustre la réalité du parcours des lanceurs et lanceuses d’alerte : un combat sans répit, devant une multitude de juridictions, pour se défendre contre ses détracteurs et démontrer la pertinence de ses signalements.
De son côté, Houria Aouimeur témoigne : « J’ai agi pour protéger l’intérêt général, pas contre une organisation. Ce sont mes alertes qui ont permis de mettre fin à des pratiques irrégulières. Je demande maintenant que justice soit rendue pleinement, y compris en référé devant la Cour d’appel de Paris comme par le conseil de prud’hommes. »
Le 10 juillet, le délibéré de la Cour d’Appel de Paris devrait préciser la compétence du juge des référés pour se prononcer sur les mesures de représailles subies par Houria Aouimeur. Le Conseil des Prud’hommes de Paris examinera quant à lui le fond du dossier le 18 septembre prochain, s’agissant de la régularité du licenciement dans un contexte désormais éclairé par cette nouvelle décision de justice.
Houria Aouimeur demande sa réintégration, au nom du respect du droit des lanceurs d’alerte et de la protection contre les représailles.
Contact presse : presse@mlalerte.org