Victoire : la justice annule le licenciement d’un lanceur d’alerte à Veolia lié à ses signalements pour risques environnementaux

Ce lundi 27 janvier 2025, le Conseil des Prud’hommes de Gap a rendu un jugement favorable à Hervé*, ancien salarié de Veolia, reconnaissant à la fois son statut de lanceur d’alerte et l’illégalité de son licenciement, à la suite de signalements liés à la violation de normes environnementales, à la mise en danger des salariés et à des manquements au principe de délégation de service public. Cette décision marque une étape importante dans la protection des lanceurs et lanceuses d’alerte et rappelle la nécessité de garantir leur sécurité et leurs droits.

Rappel des faits

En 2022, Hervé, alors salarié de Veolia dans le secteur de l’assainissement de l’eau, a constaté de graves dysfonctionnements au sein des stations d’épuration gérées par Veolia dans la Durance, au sein de la Communauté de Communes de Serre-Ponçon (CCSP). Ces dysfonctionnements constituaient de sérieux manquements à l’obligation de sécurité des salariés imposée à l’employeur par le Code du travail, des violations à la réglementation en vigueur sur le traitement des eaux usées, ainsi que des manquements au principe de délégation de service public.

Inquiet de la situation, qui représentait alors un danger pour les habitants de la commune ainsi que pour les employés de l’entreprise, Hervé a d’abord signalé ces problèmes en interne, en premier lieu à sa hiérarchie, puis aux instances nationales de Veolia. Malgré ses alertes répétées, aucune mesure corrective n’a été mise en œuvre. Au contraire, il a été la cible de multiples représailles de la part de son employeur : hostilité grandissante de ses supérieurs hiérarchiques, convocation à un entretien préalable à un licenciement, puis à un conseil de discipline alors qu’il était en arrêt maladie, suppression de ses accès au réseau interne de l’entreprise avant même la tenue de ces deux réunions, l’empêchant ainsi de comprendre la teneur des faits qui lui étaient reprochés et donc de réunir les preuves nécessaires pour se défendre. Finalement, ces actions ont culminé par son licenciement quelques mois plus tard, en 2023.

Face à cette situation, Hervé s’est tourné vers des autorités externes, comme le prévoit la loi Waserman. Il a ainsi alerté l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et le Défenseur des droits. Parallèlement, il a sollicité la Maison des Lanceurs d’Alerte (MLA), qui a reconnu son statut de lanceur d’alerte, appuyant ainsi sa démarche en ce sens aux prud’hommes. Ce statut lui a été reconnu également, quelques mois plus tard, par le Défenseur des droits .

Les faits dénoncés par Hervé ont suscité l’intérêt de journalistes de Mediapart et de la radio locale Ram05 qui ont enquêté sur les aspects environnementaux soulevés par ses signalements et ont interrogé Veolia sur les faits reprochés.

Un jugement qui redonne espoir

En statuant en faveur de Hervé, le Conseil des Prud’hommes de Gap a reconnu l’existence, et annulé les représailles dont il a été victime, tout en reconnaissant la légitimité de ses démarches en tant que lanceur d’alerte. Cette décision souligne l’urgence de renforcer les dispositifs légaux pour protéger celles et ceux qui dénoncent des abus au nom de l’intérêt général.

Manon Yzermans, responsable juridique et chargée de plaidoyer, souligne : « Hervé a agi animé par l’intérêt général, et il s’est retrouvé à payer les frais de son acte citoyen. Ce jugement sans équivoque entérine l’analyse juridique de la Maison des Lanceurs d’Alerte dans ce dossier : Hervé est un lanceur d’alerte, il a été licencié en représailles de ses signalements, et son licenciement est donc illégal. Ce jugement doit être salué en ce qu’il reconnaît la démarche de bonne foi du lanceur d’alerte, et fait une pleine et nécessaire application  du dispositif de protection des lanceurs d’alerte renforcé en 2022, notamment en accordant au requérant une provision pour frais de justice ».

Un élément en particulier est à souligner dans ce jugement : alors que cette disposition prévue par la loi est encore rarement appliquée en pratique, le jugement accorde une provision pour frais d’instance au lanceur d’alerte. Cette disposition protectrice, introduite par  la loi Waserman en 2022, prend compte de la particulière vulnérabilité des lanceurs d’alerte, qui perdent leur travail, donc leur revenu, et doivent par la suite débourser des frais de défense dans le cadre de procédures qui ne devraient même pas leur être imposés.

Finalement, à l’annonce du jugement, Hervé a réagi : « Je suis avant tout soulagé. Ce jugement vient rappeler que les fautes, ce n’est pas moi qui les ait commises. Finalement, il vient rétablir la réalité de ce que j’ai vécu : des mois de signalements non traités pour finalement subir un licenciement, qui aujourd’hui, est considéré comme illégal. J’espère que mon parcours pourra en inspirer d’autres, mais c’est aux autorités de prendre le relais maintenant. »


 Contact presse :
 
Moyra Oblitas
 Responsable de communication
 Maison des Lanceurs d’Alerte
 moyra.oblitas@mlalerte.org 


* Le prénom du lanceur d’alerte a été modifié.