Houria AOUIMEUR

« Je veux redire ce soir que je ne regrette rien. »

« Je veux redire ce soir que je ne regrette rien. » C’est par cette déclaration qu’Houria Aouimeur a marqué son discours lors de la cérémonie des prix éthiques Anticor 2024, où elle a été distinguée parmi les lauréat·es. Juriste de formation, Houria Aouimeur aurait pu rester dans l’ombre. Attachée aux valeurs de la République, elle a plutôt choisi la voie de l’intégrité.

Dès le début de sa carrière, elle se consacre à la défense des salarié·es accidenté·es du travail ou en situation de handicap. Son engagement, ses compétences et sa rigueur la font se faire remarquer. Une mission de taille lui est confiée : piloter la gestion du régime AGS (Assurance pour la gestion du régime de Garantie des Salaires), qui assure le paiement des salaires des employé·es lorsque leur entreprise fait faillite.

C’est en 2018, qu’elle prend la tête de l’organisme en charge de la gestion de ce régime, administré par des organisations patronales qui mettent en place un système de décisions aussi opaque que verrouillé. C’est dans ce rôle qu’elle découvre de possibles détournements de fonds massifs rendus possibles par l’absence de contrôles efficaces. Potentiellement chiffrés en milliards d’euros, ces détournements sont réalisés au détriment des salarié·es que l’AGS est censé protéger.

Houria Aouimeur décide alors d’agir. Elle tente d’abord d’alerter en interne, de mettre en place des procédures plus rigoureuses, insiste sur la nécessité de renforcer les contrôles. Face à l’inertie de sa hiérarchie, elle saisit les autorités compétentes. Dès 2019, deux plaintes sont déposées, notamment pour abus de confiance, corruption et prise illégale d’intérêt. L’association Anticor, membre de la Maison des Lanceurs d’Alerte, se constitue partie civile.

Mais l’alerte a un prix. Très vite, elle subit des pressions croissantes : fila-tures, piratages, écoutes dissimulées, intimidations visant ses proches et ses collaborateur·trices. En février 2023, elle est brutalement licenciée pour « faute lourde ». Le 7 novembre 2023, le conseil des prud’hommes de Paris, saisi en référé, refuse de lui reconnaître le statut lanceuse d’alerte. Saisies ultérieurement, la Maison des Lanceurs d’Alerte et la Défenseure des Droits ont pourtant toutes deux reconnu son statut.

Houria Aouimeur aurait pu garder le silence. Elle a pourtant choisi le chemin le plus difficile : celui de la parole, de la résistance, des procédures longues et coûteuses. Car ce qu’elle a révélé ne concerne pas seulement une défai-llance institutionnelle : il s’agit d’un scandale qui touche au cœur du pacte social. Des milliards d’euros, censés garantir les droits des salarié·es les plus précaires, pourraient avoir été détournés dans une opacité soigneu-sement entretenue. En osant briser ce silence, en affrontant les représailles, elle défend des principes essentiels : la transparence, la justice, la respon-sabilité. Son combat dépasse sa personne. Il nous concerne toutes et tous.

Houria AOUIMEUR

Détournements de fonds AGS