Mardi 4 juin 2019, la SNCF a fait l’objet d’une perquisition des suites d’une enquête diligentée par le Parquet National Financier sur le fondement de soupçons de passation de marchés potentiellement truqués passés entre la SNCF et IBM. Les deux juges d’instruction en charge du dossier enquêtent notamment sur la filiale « Stelsia » créée en 2010 par la compagnie ferroviaire pour passer des marchés de gré à gré avec IBM en contournement supposé des règles de la commande publique.
Certes, il n’appartient qu’à la justice de déterminer, en toute indépendance, le caractère frauduleux ou non de ces procédures. Toutefois, cet épisode démontre une fois de plus à quel point les révélations des lanceurs d’alerte restent essentielles au bon fonctionnement de la justice, à l’efficacité de la lutte contre la fraude et, plus largement, à la défense de l’intérêt général. Surtout, l’affaire démontre qu’en dépit de l’adoption d’une législation protectrice, les lanceurs d’alerte font toujours l’objet de représailles pour avoir agi dans l’intérêt général.
En effet, l’enquête menée par le Parquet National Financier constitue la suite directe d’informations signalées puis révélées depuis une dizaine d’années, notamment, par le lanceur d’alerte Denis Breteau.
Employé au service Achats de Lyon, ce dernier avait pour la première fois pris connaissance d’irrégularités supposées dans la commande de matériel informatique et de services. Il avait alors décidé d’alerter sa hiérarchie directe et indirecte de ces pratiques potentiellement contraires au droit européen de la commande publique. Fin 2012, il alerte finalement le procureur avant de déposer une plainte avec constitution de partie civile le 30 juillet 2013 puis de saisir, le 21 avril 2013, la Commission européenne.
La réaction des autorités ne s’est pas faite attendre puisque la Commission européenne a, fin 2015, sommé la France de fermer la filiale en raison de manquements graves aux règles de passation des marchés publics, avant que le Parquet National Financier ne se saisisse de l’affaire fin 2017.
Or, en dépit de sa contribution incontestable au bon fonctionnement de la justice et à l’information des citoyens sur une question de grande importance pour la qualité du débat public, le lanceur d’alerte n’a pas, loin s’en faut, été récompensé pour son action. Licencié fin 2018, Denis Breteau, soutenu par la Maison des Lanceurs d’Alerte, obtient le 17 avril 2019 une décision favorable du Conseil des Prud’hommes de Lyon, jugeant nulle sa radiation de la SNCF et ordonnant sans délai sa réintégration dans le groupe. L’entreprise a néanmoins interjeté appel, et le lanceur d’alerte devra à nouveau assurer sa défense devant les tribunaux du travail.
A l’heure où l’adoption d’une directive européenne érige la protection des lanceurs d’alerte au rang de priorité européenne, l’on ne peut déplorer que, en dépit de leur action en faveur de l’intérêt général, ceux-ci doivent encore batailler en justice pour faire respecter leur droit à la liberté d’expression.
Pour cette raison, la MLA réaffirme son soutien au lanceur Denis Breteau et à l’ensemble des lanceurs d’alerte qui agissent pour le bien commun en signalant ou révélant des violations de l’intérêt général.