WIN, UNIS, ainsi que 51 organisations du monde entier condamnent sans équivoque le jugement odieux rendu par le Tribunal de Gombe (Kinshasa) à l’encontre de deux anciens auditeurs de Afriland First Bank les condamnant à mort pour avoir lancé l’alerte.
Nous écrivons au Président Tshisekedi pour exiger d’urgence que le Gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) prenne des mesures immédiates pour annuler le processus juridique frauduleux qui a conduit à ce jugement scandaleux du tribunal, prendre des mesures pour féliciter publiquement les deux lanceurs d’alerte pour leurs actions et prendre des mesures pour les protéger, eux et leurs familles, de toute nouvelle mesure de représailles. Cela comprend le lancement d’une enquête sur ceux qui les ont menacés.
Nous exigeons également que le Président Tshisekedi et son Gouvernement mettent en œuvre le cadre juridique et institutionnel qui est nécessaire pour protéger les lanceurs d’alerte congolais, les citoyens qui défendent ce qui est juste dans l’intérêt public de leur pays, de leurs communautés et de leurs lieux de travail.
Anna Myers, Directrice exécutive de WIN a déclaré : « Les tactiques qui ont été utilisées pour faire taire ceux qui tiennent responsables les plus puissants en République démocratique du Congo rappellent de nombreux autres cas de lanceurs d’alerte dans le monde, mais dans ce cas, les méthodes sont féroces et honteuses. »
L’utilisation d’un processus judiciaire qui a conduit un tribunal à condamner à mort deux auditeurs qui faisaient leur travail trahit, comme l’a souligné PPLAAF, l’embarras que les allégations ont infligé à ceux qui ont été exposés ou craignent d’être exposés. L’action en justice qui a débouché sur ce jugement scandaleux semble être qu’une partie d’une campagne concertée, et défectueuse, visant à réduire au silence les deux courageux lanceurs d’alerte, M. Navy Malela et M. Gradi Koko, et à effrayer toute autre personne qui ose remplir ses devoirs civiques et professionnels et remettre en question un statu quo toxique.
Non seulement deux lanceurs d’alerte et leurs familles ont été menacés et contraints de quitter leur pays pour leur propre sécurité, mais une campagne de diffamation a été lancée sur les réseaux sociaux contre deux organisations indépendantes de la société civile, la Plateforme de Protection des Lanceurs d’Alerte en Afrique (PPLAAF) et Global Witness, qui ont soutenu les lanceurs d’alerte et enquêté sur leurs révélations. Tout cela fait partie de ce qui semble être une tentative paniquée de détourner l’attention du fond des allégations qui ont été faites.
Dans le but de supprimer l’information et de réduire au silence ceux qui soutiennent les lanceurs d’alerte, des plaintes pénales et des poursuites civiles pour diffamation ont été déposées ou utilisées pour menacer PPLAAF, Global Witness et des journalistes en France et en Israël. Ces poursuites, aussi faibles ou infondées soient-elles, suivent le modèle de plus en plus connu de ceux qui disposent de ressources bien plus importantes pour épuiser et mettre en faillite quiconque ose demander des comptes aux puissants. Mieux connues sous le nom de poursuites-bâillons (SLAPP) – Strategic Litigation Against Public Participation – des voix s’élèvent en Europe et dans le monde entier pour demander que l’on se prémunisse contre de telles utilisations abusives de la loi afin d’empêcher le contrôle vital de l’intérêt public et l’accès du public à l’information.
Les sentinelles de l’intérêt public, comme PPLAAF et Global Witness, sont des organisations à but non lucratif comme toutes les organisations et mouvements citoyens signataires de cette lettre de soutien. Ils travaillent pour protéger les personnes vulnérables et promouvoir l’intégrité et la responsabilité démocratique. Dans le cas présent, ils ont protégé M. Gradi Koko et M. Navy Malela, les deux auditeurs d’Afriland Bank qui, face à l’ampleur des méfaits dont ils étaient témoins sur leur lieu de travail, ont d’abord agi pour faire part de leurs préoccupations au sein de leur institution. Ce n’est qu’après avoir fait l’objet de menaces et avoir réalisé qu’aucune action efficace ne serait prise pour enquêter et mettre fin aux méfaits supposés, que les deux hommes ont décidé que la seule autre action responsable à entreprendre pour mettre fin à la corruption était de divulguer les documents incriminés en dehors de la banque à des ONG et des journalistes de confiance.
Ce ne sont pas les premières représailles subies par les lanceurs d’alerte en RDC. Ces dernières années, des citoyens congolais qui ont courageusement pris position pour dénoncer des méfaits alleges ou de la corruption ont subi de lourdes conséquences. Par exemple, Jean Jacques Lumumba et Guylain Luwere, également banquiers, ont été menacés d’une arme à feu et contraints à l’exil. Le lanceur d’alerte Claude Mianzuila a passé des mois en prison après avoir dénoncé des détournements de fonds dans une société minière.
“Navy Malela et Gradi Koko ont agi de manière responsable et courageuse au nom de la nation congolaise et de son peuple“, a déclaré Jean-Jacques Lumumba, lanceur d’alerte et banquier congolais. “Nous ne pouvons pas nous permettre de rester silencieux et nous devons rester ensemble, en tant qu’Africains à travers le continent, pour exiger la fin de la corruption qui nuit à nos nations et à nos peuples.”
Les deux auditeurs ont agi conformément aux pratiques internationales en matière de protection des lanceurs d’alerte et de liberté d’expression – en particulier le droit du public à savoir. S’ils avaient lancé l’alerte en Europe dans des circonstances similaires, ils seraient protégés par la directive de l’UE nouvellement adoptée sur la protection des lanceurs d’alerte.
La République démocratique du Congo est signataire de la Convention des Nations Unies contre la corruption et de la Convention de l’Union africaine contre la corruption, qui contiennent des engagements visant à encourager et à protéger ceux qui s’opposent à la corruption. Deux lanceurs d’alerte congolais ont agi dans l’intérêt public et ont divulgué des informations sur des suspicions de corruption grave qui afflige le bien-être actuel et futur du pays et l’ont fait à un grand prix personnel et professionnel pour eux-mêmes et leurs familles.
Si le président Tshisekedi est sérieux au sujet de la protection des lanceurs d’alerte, il est maintenant temps d’agir !
Signataires
Jimmy Kande, Coordinateur, UNIS, pan-African anti-corruption network
Anna Myers, Executive Director, Whistleblowing International Network
African Centre for Media & Information Literacy (AFRICMIL), Nigeria
African Freedom of Expression Exchange (AFEX)
African Resources Watch : Afrewatch
Blueprint for Free Speech
Cadre des concertations de la Société Civile de l’Ituri sur les Ressources naturelles (CDC/RN)
Campax (Switzerland)
Centre for Free Expression (Canada)
Civic Media Lab (Nigeria)
European Public Service Unions – EPSU
Filimbi (RDC)
Finance Uncovered (United Kingdom)
FIND (United Kingdom)
Free Press Unlimited (the Netherlands)
Global Financial & Business Integrity (United Kingdom)
Government Accountability Project (United States of America)
Ifeoma Ozoma, Founder and Principal, Earthseed (United States of America)
Institute for Public Policy Research (Namibia)
Internationale des services publics (ISP)
Janina Mackiewicz, Head of EU Affairs, Eurocadres (Belgium)
Lutte pour le Changement (Lucha) (DRC)
Maison des Lanceurs d’Alerte (France)
Martin Woods, Banking Compliance Expert, Whistleblower
OBC Transeuropa (Italy)
Observatoire Citoyen des Droits et de lutte contre la Corruption (OCIDC) (DRC
Observatoire d’Etudes et d’Appui à la Responsabilité Sociale et Environnementale (OEARSE)
Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) DRC)
OPEN DRC
Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP)
Oživení (Czech Republic)
Pištaljka (Serbia)
Professor David Kaye, UC Irvine School of Law, UN Special Rapporteur on Freedom of Expression (2014-2020)
Professor David Lewis, Middlesex University (United Kingdom)
Professor Wim Vandekerckhove, University of Greenwich (United Kingdom)
Protect (United Kingdom)
RAW Compliance
Réseau d’Éducation Civique au Congo (RECIC) (DRC)
Sciences Citoyennes (France)
Sherpa (France)
SpeakOut SpeakUp Ltd (United Kingdom)
Spotlight on Corruption (United Kingdom)
The Daphne Caruana Galizia Foundation (Malta)
The Signals Network (USA/France)
Toby Cadman, Co-Founder and Head of Chambers, Guernica 37 International Justice Chambers (United Kingdom)
Transparency International
Transparency International Estonia
Transparency International Ireland
Transparency International Italy
Transparency International Slovakia
WBN – Whistleblower Netzwerk (Germany)
Whistleblowers UK
Xnet (Spain)