Alors que des auditions s’ouvraient la semaine dernière devant le Parlement belge, suites aux nombreuses alertes formulées par deux membres du comité de direction de l’Autorité de Protection des Données, plusieurs acteurs de la société civile européenne s’inquiètent dans une tribune publiée ce jour, du traitement réservé depuis, à ces signalements.
En cause dans cette tribune, les «incompatibilités légales et des conflits d’intérêt susceptibles de nuire à la bonne réalisation des missions de cet organisme, en contradiction totale avec l’esprit et la lettre du RGPD qui exige l’indépendance des organes de contrôle » mis en lumière par les lanceuses d’alerte, membres du comité de direction de l’Autorité de Protection des Données belge (APD), qui a remplacé la « commission pour la protection de la vie privée » dans le cadre de la mise en application du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).
Depuis deux ans, les lanceuses d’alerte avaient soulevé à de multiples reprises, l’illégalité de certains des mandats au regard de la loi du 3 décembre 2017 portant sur la création de l’Autorité de Protection des Données et des exigences d’indépendance prévues à l’article 52 du RGPD. Pointée du doigt également, la participation du président de l’APD à l’opération « Data Against Corona », mise en place par le gouvernement fédéral belge, et qui interroge sur l’indépendance de l’APD vis à vis du pouvoir politique.
Les associations mobilisées déplorent que l’ouverture d’une enquête ne soit intervenue qu’après que la Commission européenne ait menacé de saisir la cour de Justice de l’Union Européenne. Elles s’alarment également du sort réservé aux lanceuses d’alerte Alexandra Jaspar et Charlotte Dereppe. La première a démissionné sous le coup des multiples pressions et représailles subies suite à ses signalement. La seconde, accompagnée par la Maison des Lanceurs d’Alerte, est en passe de voir son mandat révoqué après avoir éprouvé des attaques aussi bien professionnelles que personnelles.
« À l’heure où l’Europe se veut le fer de lance de la protection des lanceurs d’alerte avec une directive résolument progressiste qui interdit toute forme de représailles, la Belgique souhaite-t-elle vraiment donner un tel exemple ? À travers le cas de Charlotte Dereppe, ce sont tous les professionnels qui sont sommés de fermer les yeux sur les pratiques répréhensibles dont ils sont témoins. Ne souhaite-t-on pas, au contraire, les encourager à défendre l’intérêt public ? »
Sur pression de l’instance européenne, le Parlement a en effet entamé une procédure de révocation de mandats à l’égard des cinq membres, actuellement auditionnés mais nombreuses associations en Europe, parmi lesquelles la Maison des Lanceurs d’Alerte, la Ligue des droits humains, The Signals Network, Blueprint for Free Speech ou encore Defend Democracy s’inquiètent que la lanceuse d’alerte soit visée au même titre que les membres du comité de direction incriminés par ses signalements. Elles craignent une sanction dissimulée alors même que la directive européenne est récemment venue renforcer la protection des lanceurs d’alerte.