Procès Castel Viandes : 3 questions au lanceur d’alerte Pierre Hinard

Ce jeudi 5 mai 2022 débutera le procès de la « remballe de viande avariée » de Castel Viandes, 14 ans après les premiers signalements de Pierre Hinard. Cet ancien responsable qualité de l’entreprise avait lancé l’alerte concernant des manquements aux mesures sanitaires de la viande commercialisée. À cette occasion, il revient sur son histoire.

Pourquoi avez-vous lancé l’alerte ?

Pierre Hinard : Je n’avais pas le choix en tant que responsable qualité, j’étais tenu par la loi de faire connaître à la Direction des Services Vétérinaires (DSV) que j’avais connaissance de viandes remballées impropres à la consommation et potentiellement dangereuses pour la santé des consommateurs.

J’avais découvert des produits frauduleux qui avaient été décongelés (pour faire un tri visuel en écartant les viandes les plus abîmées) puis recongelés, ré-étiquetés en faussant la traçabilité et doté d’un numéro de lot recréé spécifiquement pour la remballe. Tout cela un samedi, un jour normalement non travaillé mais choisi du fait de l’absence de tout contrôle possible de la DSV qui ne travaille pas le week-end.

Je ne pouvais pas moralement laisser faire et risquer l’intoxication d’enfants particulièrement sensibles à l’intoxication par la bactérie Escherichia Coli (E-Coli) comme le montre dramatiquement l’actualité des pizzas Buitoni.
 

 

Comment votre alerte a-t-elle été reçue ?

PH : J’ai alerté le jour même tous les concernés (direction et DSV). Mon alerte a été ignorée par les services de l’Etat. Pire, l’inspecteur vétérinaire n’a pas saisi les viandes impropres mais a prévenu la direction et ils en ont profité pour me licencier sur le champ (mis à pied dans un premier temps). J’ai ensuite été considéré comme un calomniateur par tous, presse comprise qui ne faisait aucune investigation pour connaitre la vérité. J’ai subi un procès en diffamation de l’industriel Castel Viandes. Pour moi, il s’agissait d’une véritable « procédure bâillon », destinée à nuire et faire taire le lanceur d’alerte. Et pour preuve, Castel Viandes a retiré sa plainte la veille du procès !

Quels sont les enjeux du procès du 5 mai ?

PH : L’entreprise Castel Viandes est accusée notamment de “tromperie aggravée par un risque sur la santé de l’homme” donc l’enjeu est avant tout de sanctionner des pratiques susceptibles de mettre en danger la population. L’ordonnance de renvoi établit clairement que mes signalements s’avèraient être vrais et que, pire, les infractions perduraient encore 4 ans après mes révélations et mon licenciement. Pour moi, ce sera le moyen de me réhabiliter et de laver mon honneur bafoué depuis 14 ans.