À la rencontre du dessinateur Michel Amigues

Vous avez peut-être aperçu l’un de ses dessins dans l’une de nos publications. Il y a quelques semaines, nous vous avions annoncé un partenariat avec Michel Amigues, alias « Ze incasables » qui fait parler sous sa plume « Roger », un mouton facétieux dont les candides interventions rendent les illustrations du dessinateur, percutantes et engagées. Découvrez son portrait dans cette interview.

Depuis quand êtes-vous dessinateur ?

Michel Amigues : Je suis devenu dessinateur un peu par accident, il y a trois ans, à la faveur du long burn-out qui a mis fin à presque 25 ans de carrière journalistique dans la presse quotidienne régionale. Je me suis retrouvé à la maison, avec ma fille qui était privée de CE1 pour cause de confinement, et comme elle dessinait beaucoup, je me suis mis à dessiner avec elle.

Mais même dans ma première vie professionnelle, il ne m’est jamais arrivé d’assister à une réunion de rédaction ni à une réunion tout court sans dessiner. C’était ma façon de me concentrer…

Pourquoi avoir choisi le mouton comme animal de prédilection ?

MA : En vérité, j’ai d’abord vécu une assez longue histoire d’amour avec… les cochons ! Mon cochon fétiche s’appelait Hector. Et puis pour les besoins d’un exercice pendant la formation que j’ai suivie auprès d’une école de bédé (le CESAN), je me suis essayé aux moutons, et ça a été une sorte de révélation. 

Techniquement d’abord, je trouvais ça beaucoup plus facile à dessiner, donc c’était un gain de temps faramineux. Et il m’a semblé que finalement, le mouton était un meilleur véhicule humoristique. Le parallèle avec le troupeau plus ou moins social des humains est souvent plus simple. Voilà comment Roger le mouton a supplanté Hector le cochon…

Quel intérêt portez-vous à la cause des lanceurs d’alerte ?

MA : Je pense que quiconque s’est efforcé d’être un peu journaliste a une sympathie naturelle pour les lanceurs d’alerte, juste pour cette idée de dire tout haut ce que quelques-uns trafiquent tout bas contre la santé ou l’environnement, et de le faire non pas pour en tirer gloire, mais dans un vrai souci altruiste de protéger la société.

Que pensez-vous du traitement qui leur est réservé ?

MA : Lorsqu’on pointe une anomalie ou une injustice, on doit trouver très anormal et très injuste d’avoir le sentiment d’être entouré d’aveugles, de sourds et de muets… Et comme c’est chaque fois le combat d’un ou de quelques individus contre une organisation, il y a toujours un côté David contre Goliath. D’où l‘importance des relais tels que la presse, les syndicats ou les associations.

Diriez-vous que le dessin humoristique vous permet d’exprimer votre engagement ?

MA : Je ne suis pas engagé même si je m’intéresse de près à la vie et aux idées politiques et aux questions sociales en général. Mon « engagement » le plus concret consiste à aller voter chaque fois que la démocratie m’en donne l’occasion, parce que l’abstention peut avoir plein de raisons, pour moi elle n’a pas d’excuse. Ça n’empêche pas mes moutons de s’emparer de sujets politiques et sociaux, mais c’est rarement pour en tirer une lumière susceptible de guider le peuple. Ils ont un penchant pour les conclusions absurdes ou cruelles, idéalement les deux. C’est assez éloigné du message militant, ma collaboration avec la MLA est donc une forme de rédemption !