Des militants écologistes sous le coup de poursuites judiciaires dans le nord de l’Italie pour avoir critiqué l’usage massif de pesticides dans la région

L’Institut de l’environnement de Munich et l’auteur Alexander Schiebel sont poursuivis en diffamation pour avoir critiqué l’usage massif de pesticides dans l’industrie fruitière du Sud-Tyrol.

En cas de défaite, les accusés s’exposent non seulement à des sanctions financières ou à une peine d’emprisonnement, mais aussi à d’éventuelles demandes de dommages et intérêts s’élevant à des millions d’euros qui occasionneraient une banqueroute totale pour l’Institut environnemental de Munich – une association à but non lucratif fondée en 1986 peu après l’accident de Tchernobyl.

Ils dénoncent les procédures pénales engagées contre eux et qui constituent une attaque massive contre leur liberté d’expression visant à faire taire, plus généralement, les critiques contre l’utilisation des pesticides. Des “poursuites-bâillons”, en somme, contre lesquelles la Maison des Lanceurs d’Alerte appelait déjà la Commission Européenne à agir en juin dernier.

L’Italie est un pays champion de ces poursuites abusives. Chaque année, plus de 6 000 (deux tiers) des recours en diffamation déposés contre des journalistes et des médias sont rejetées par les juges comme étant non fondées.

La procédure judiciaire a été engagée en 2017 par Arnold Schuler, ministre de l’agriculture de la Province autonome italienne, du Sud-Tyrol après que des critiques sur l’utilisation élevée de pesticides dans la région aient été publiées.

Les plantations de pommes dans la région sont en effet pulvérisées avec des pesticides jusqu’à 20 fois par saison, une utilisation supérieure à la moyenne dans la plus grande région de culture continue de pommes en Europe. Plus de 1 300 agriculteurs ont également déposé plainte.

Trois ans plus tard, le tribunal régional a engagé une procédure contre Karl Bär, conseiller en politique agricole à l’Institut environnemental de Munich, et Alexander Schiebel, auteur de “The Miracle of Mals”. Le procès contre Bär commence le 15 septembre.

Karl Bär et Alexandre Schiebel

Ce procès a en effet été déclenché par la campagne lancée par l’Institut environnemental de Munich à l’été 2017. Pendant trois jours en août, un panneau d’affichage, imitant le style du marketing touristique, a été placé à Munich pour attirer l’attention sur les niveaux d’utilisation des pesticides dans le Sud-Tyrol. Dans le cas d’Alexander Schiebel, l’accusation de diffamation se réfère à un passage de son livre “Das Wunder von Mals” (“Le Miracle de Mals”), dans lequel il critique l’utilisation de pesticides dans le Tyrol du Sud et le comportement des fruiticulteurs locaux.

L’environnementaliste Karl Bär dénonce ces poursuites : “Nous voyons maintenant que le Sud-Tyrol n’a pas seulement un problème de pesticide, mais aussi un problème de démocratie. Les accusations et les plaintes portées contre sont sans aucun fondement et n’ont qu’un seul but : faire taire les voix qui critiquent l’utilisation des pesticides et soulignent leurs effets néfastes sur l’environnement et la santé humaine. Ce cas est l’un des nombreux procès sans fondement intentés contre des militants et des journalistes en Italie et dans toute l’Europe. De plus en plus, les entreprises et les hommes politiques essaient d’utiliser cette méthode pour faire obstruction et intimider les voix critiques“.

 

Lire la déclaration de solidarité signée par la Maison des Lanceurs d’Alerte

 

Le contexte
Environ une pomme sur dix récoltée en Europe provient du Sud-Tyrol. L’industrie de la pomme dans la région ne dépend que de quelques variétés telles que la “Golden Delicious” ou la “Gala”, qui sont très sensibles aux maladies fongiques. Ces deux variétés représentaient environ la moitié de la surface cultivée en 2017. Une monoculture de cette nature nécessite une utilisation importante de pesticides. Les dernières données de l’office statistique italien confirment que dans la province autonome de Bozen/Bolzano, les ventes de pesticides par surface traitable étaient plus de six fois supérieures à la moyenne de l’Italie en 2018.