Scolarisation des enfants handicapés : la France épinglée par l’ONU pour son traitement d’un lanceur d’alerte

Se battre pour la scolarisation des enfants en situation de handicap : c’est le combat qui a valu d’importantes représailles à Olivier Paolini, coordonnateur pédagogique auprès de l’IME “Les Hirondelles” dans l’Aude. Début septembre, l’ONU a adressé une lettre officielle au gouvernement pour attirer son attention sur la situation de ce lanceur d’alerte.

Olivier Paolini est enseignant spécialisé au sein de l’institut médico-éducatif (IME) « Les Hirondelles », dans l’Aude. Quelques mois après son arrivée en 2009, il constate d’importants dysfonctionnements affectant l’accueil des enfants scolarisés dans l’IME. Chargé d’organiser les emplois du temps des élèves, il est vite interpellé par l’importante disparité entre le minimum légal – fixé à 4 demi-journées par semaine en  unité d’enseignement externalisée – et les pratiques de l’établissement, au détriment des enfants. Très rapidement, il alerte sa hiérarchie, en vain. Les signalements restent sans réponse et le taux de scolarisation de l’établissement demeure en dessous du minimum prévu par la loi.

Il a fallu se battre pour faire scolariser des enfants quelques demi-journées par semaine. Les enfants sont sous scolarisés, certains de nos élèves ne sont en classe que 30 minutes par semaine, nous ne sommes pas au minimum légal.”

Olivier Paolini

Malgré des préconisations de l’Agence Régionale de Santé (ARS) ou encore de la Direction des Services Départementaux de l’Éducation Nationale (DSDEN) qui vont dans le sens du lanceur d’alerte, la situation reste inchangée. Un silence d’autant plus préoccupant que le fonctionnement de l’établissement inquiète également les familles. En février dernier, la direction de l’établissement avait été condamnée par le tribunal de Narbonne, après la décision unilatérale de la direction de l’IME de réduire de moitié le temps de scolarisation d’un enfant de 16 ans.

En septembre, c’est le pré-rapport du collège de déontologie du ministère de l’Éducation Nationale qui préconisait la mise en conformité de l’établissement à la suite de la mission d’évaluation réalisée sur place. Mais années après années, malgré les signalements et préconisations accumulées, les pratiques de l’établissement restent inchangées.

Plus encore, le lanceur d’alerte est régulièrement pris pour cible par sa hiérarchie qui lui reproche un « défaut de loyauté ».

Exclusion des réunions d’équipe, dénigrements… Depuis qu’il a rappelé, en réunion d’équipe, le jugement rendu par le tribunal de Narbonne, il paie le prix fort de son combat pour que familles et enfants ne soient plus discriminés. Il est soutenu dans sa démarche par la Maison des Lanceurs d’Alerte, la Défenseure des droits et même l’ONU qui, dans la lettre adressée à la France en août dernier, interpelle le gouvernement et s’inquiète des actes d’intimidation à l’encontre de l’enseignant.

J’ai rempli mes devoirs d’enseignant et alerté sur une chaîne de dysfonctionnements graves et systémiques entravant les droits des enfants en situation de handicap en particulier leur droit à l’éducation (…). L’éducation inclusive est un droit humain fondamental et la France s’est engagée à le mettre en place lorsqu’elle a ratifié la Convention pour les droits des personnes handicapées et la Convention relative aux droits de l’enfant. En tant que fonctionnaire, je n’ai donc fait que réclamer l’application du droit »

commentait le lanceur d’alerte dans un communiqué publié en septembre dernier.

Ce qui inquiète le lanceur d’alerte et ses soutiens, c’est aussi l’omerta des autorités locales et de l’Éducation Nationale, pourtant alertées. Le lanceur d’alerte dénonce un problème plus global qui comparable aux maltraitances institutionnelles subies par les personnes accueillies en EPHAD, pointées du doigt ces derniers mois, et le caractère discriminant de ces dysfonctionnements qui nuisent ici au droit – pourtant fondamental – à l’éducation.

La Maison des Lanceurs d’Alerte, qui accompagne aujourd’hui le lanceur d’alerte, s’inquiète elle aussi des représailles en réponse à l’alerte lancée par Olivier Paolini. « Force est de constater qu’à la suite de son alerte, il s’est retrouvé totalement empêché dans l’exercice de ses fonctions. Les décisions se prennent désormais de manière unilatérale, et son établissement lui fait payer le prix de son alerte en le retirant totalement du processus d’organisation des emplois du temps. Son exclusion s’est traduite par un court-circuitage dans toutes les instances où son expertise était obligatoirement requise. » commente le juriste de la Maison des Lanceurs d’Alerte en charge du dossier.

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