La Maison des Lanceurs d’Alerte soutient la lanceuse d’alerte dans l’affaire visant THALES pour des soupçons de corruption

Le 4 octobre dernier, La Lettre A a révélé que l’Agence Française Anti-corruption avait saisi fin 2020, le Parquet National Financier de faits susceptibles de revêtir la qualification pénale de « corruption » et/ou de « trafic d’influence » visant plusieurs cadres dirigeants de la société THALES.

Cette saisine est intervenue dans un contexte où la lanceuse d’alerte qui avait signalé les faits au comité d’éthique de THALES, après plusieurs alertes auprès de sa hiérarchie, a été licenciée. Cette dernière a lancé une procédure de contestation de son licenciement dès sa notification auprès de la Cour d’appel de Versailles qui a rendu sa décision le 16 septembre dernier.

Après instruction complète du dossier qui s’est révélé très étayé et tout à fait sérieux, la Maison des Lanceurs d’Alerte a mandaté Me Juliette Alibert pour intervenir à l’audience aux côtés du Défenseur des Droits et de l’UNSA.

Contre toute attente et malgré les éléments étayés apportés par la Défenseure des Droits, la MLA et l’UNSA, la Cour d’appel de Versailles saisie en référé a, dans son arrêt, refusé de reconnaître le “trouble manifestement illicite” né du licenciement préférant renvoyer l’appréciation de la nullité du licenciement vers les juges de fond. L’arrêt révèle également également une disproportion flagrante entre les nombreux éléments matériels présentés par la lanceuse d’alerte et leur absence dans les motivations de l’arrêt. La Cour d’appel s’étant appuyée quasi exclusivement sur les conclusions du comité d’éthique interne de Thales, alors même que la Défenseure des Droits, relève qu’à la suite de l’alerte éthique, le groupe THALES n’a apporté à la lanceuse d’alerte « aucun élément montrant que la situation avait été régularisée et que des actions proportionnées avaient été prises ».

L’arrêt ne fait aucun rappel, non plus, sur le lien entre les supérieurs hiérarchiques de l’intéressée et l’alerte éthique dans un contexte où leur responsabilité était engagée, et où une enquête est ouverte devant le Parquet National Financier. Au contraire, il mentionne que l’alerte n’est pas le motif indiqué dans la lettre de licenciement, dans un contexte bien connu par notre association, où le lien entre l’alerte et le licenciement n’est jamais directement motivé dans le cadre des décisions de licenciement. La Défenseure des Droits souligne pourtant que « THALES n’apporte pas d’éléments précis, concordants, suffisamment étayés pour établir que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers » à l’alerte. Il conclut que « les difficultés rencontrées (…), ainsi que [le] licenciement constituent des mesures de représailles » justifiant donc, en vertu de la loi Sapin 2, la nullité du licenciement.

Alors que la directive européenne du 23 octobre 2019 s’apprête à être transposée et qu’une loi devrait prochainement venir renforcer la protection des lanceurs d’alerte en France, cette décision interpelle : malgré sa qualité de lanceuse d’alerte reconnue par les juges, la salariée n’a pu prétendre à son droit à la réintégration au titre du référé prud’homal.

Cet arrêt révèle surtout la dure réalité à laquelle sont confrontés, hélas, de nombreux lanceurs d’alerte et ce même lorsqu’ils sont soutenus par des institutions spécialisées telles que la Défenseure des Droits, qui n’est pourtant pas enclin à intervenir systématiquement sur les dossiers dont elle est saisie.
Cette décision révèle, si tant est qu’il en était besoin, que la protection des lanceurs d’alerte reste insuffisante et décevante dans la pratique.

Pour que les lanceurs d’alerte soient protégés, soyons exigeants et demandons une transposition a maxima de la directive européenne.

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