Une employée d’un centre dentaire low-cost reconnue comme lanceuse d’alerte par le Défenseur des droits

Accompagnée par la Maison des Lanceurs d’Alerte, Anne*, employée d’un centre dentaire Dentexelans, avait publiquement tiré la sonnette d’alarme sur les dérives de l’enseigne en 2022. Un an plus tard et alors qu’une loi contre les dérives dans les centres dentaires low-cost vient d’être promulguée, le Défenseur des droits lui reconnaît le statut de lanceuse d’alerte.

Après les affaires Dentexia et Proxidentaire, Anne a révélé, quant à elle, d’importantes dérives dont elle a été témoin au sein du groupe Dentexelans qui l’employait. L’employée décrit, entre autres, la surfacturation ou la facturation d’actes fictifs pratiquée. Mais ce n’est pas tout : elle évoque l’usurpation d’identité ou encore l’exercice illégal de l’art dentaire par des praticien·ne·s non autorisé·e·s à exercer :

Nombre de dentistes y ayant exercé n’avaient pas le droit d’y travailler et utilisaient le nom d’autres praticiens qualifiés

Extraits du courrier d’Anne adressé à l’ARS du Centre-Val de Loire en 2020

C’est la première fois qu’une lanceuse d’alerte à l’origine des révélations prend la parole  dans le cadre de scandales dentaires.

Après avoir signalé les faits répréhensibles dont elle a été témoin, d’abord en interne puis auprès des autorités, Anne a subi deux avertissements et une mise à pied de la part de son employeur, avant d’être tout bonnement licenciée pour faute grave. Ces mesures sont en violation flagrante de la loi visant à protéger les lanceurs d’alerte. Pour la Maison des Lanceurs d’Alerte, qui a produit une note de soutien, « la succession de sanctions subies […] semble constituer un faisceau d’indices permettant de conclure à l’existence d’une mesure de représailles ». Cette note pourra être produite devant la cour d’appel saisie du dossier d’Anne, après que le conseil de prud’hommes saisi en première instance ait refusé de se prononcer sur son statut de lanceuse d’alerte.

Un an plus tard, le marathon se poursuit. En avril 2023, le Défenseur des Droits reconnaît Anne comme lanceuse d’alerte.

Et son combat, comme celui de nombreux patient·e·s, paie : une loi contre les dérives dans les centres dentaires a été promulguée le 19 mai 2023. Celle-ci permettrait de contrer la multiplication des abus, comme ceux qu’Anne avait constaté chez Dentexelans.

Ce type de législation va dans le bon sens, mais c’est avec les moyens alloués aux contrôles des pouvoirs publics que l’on verra s’il y a une réelle volonté à encadrer correctement ces centres dentaires. Et certains points demeurent dans l’angle mort de la loi, comme l’idée que les dentistes dans ce type de centres ne devraient pas être rémunérés en fonction des actes facturés, mais avoir un salaire fixe : cela éliminerait le risque de surfacturations, de facturations d’actes fictifs et de pratiques dangereuses pour les patients comme celles que j’ai pu constater !

Anne

Ces avancées ne peuvent qu’être bénéfiques pour l’intérêt général, mais aussi pour Anne qui continue son combat judiciaire et demeure à ce stade dans l’attente d’une date pour son audience en appel contre son ancien employeur. Quant au groupe Dentexelans, désormais Santé Group, il a récemment été placé en redressement judiciaire, ce qui ne favorise pas l’indemnisation des dommages subis par Anne et la patientèle :

Cette affaire illustre les limites d’une protection des lanceurs d’alerte qui n’existe qu’en aval : le lanceur d’alerte qui subit des représailles doit engager des procédures judiciaires pour être rétabli dans ses droits ou indemnisé. Or les juridictions sont très encombrées, surtout aux prud’hommes, et il peut s’écouler facilement plusieurs années entre le licenciement d’un lanceur d’alerte et une décision de justice qui lui donne raison et condamne l’employeur à des dommages-intérêts. On le voit dans ce dossier, où les délais à l’œuvre font que l’ex-employeur d’Anne, désormais en redressement judiciaire, ne sera peut-être pas en mesure de l’indemniser malgré une décision de justice en ce sens. Ces difficultés n’existeraient pas si les lanceurs d’alerte bénéficiaient d’une protection en amont, dès le lancement de l’alerte, avec par exemple une période durant laquelle ils disposeraient d’un statut de salarié protégé, impossible à licencier sauf accord de l’Inspection du travail. 

Pauline Delmas, responsable juridique de la Maison des Lanceurs d’Alerte

*pour préserver la volonté d’anonymat de la lanceuse d’alerte, son prénom a été modifié

À la suite de la publication de cet article, la Maison des Lanceurs d’Alerte a reçu, au titre du droit de réponse, le courrier suivant de la société SANTE GROUP :

DROIT DE REPONSE DE LA SOCIETE SANTE GROUP (DENTEXELANS)

Mise en cause dans un article publié sur le site internet de La MAISON DES LANCEURS D’ALERTE le 28 juin 2023 sous le titre « Une employée d’un centre dentaire low-cost reconnue comme lanceuse d’alerte par le Défenseur des droits », la société SANTE GROUP (DENTEXELANS) entend apporter quelques précisions sur les faits relatés dans cet article compte tenu de l’inquiétude et des interrogations qu’il a suscitées chez ses partenaires, ses salariés, ses patients et ses fournisseurs.
La société SANTE GROUP (DENTEXELANS) entend tout d’abord contester formellement et avec la plus grande force l’ensemble des accusation proférées à son encontre dans l’article incriminé.
La société SANTE GROUP (DENTEXELANS) affirme donc que l’ensemble des professionnels de santé qui travaille dans ses centres dentaires sont tous dûment diplômés et enregistrés auprès des différents Conseils de l’Ordre des chirurgiens-dentistes.
Enfin, les actes de dentisterie qui sont tous effectivement pratiqués dans les centres exerçant sous l’enseigne DENTEXELANS, sont justifiés uniquement par la pathologie dont souffre le patient et sont scrupuleusement réalisés dans les règles de l’art. Il est ainsi complétement faux de prétendre que des actes fictifs auraient été pratiqués et / ou surfacturés.
Si des agissements répréhensibles ont eu lieu, ils sont le fait exclusif de chirurgiens-dentistes et ne sauraient rejaillir sur la société SANTE GROUP (DENTEXELANS), cette dernière n’exerçant aucune activité médicale et/ou de dentisterie puisque son objet social est « la prise de participation de parts sociales ou d’actions de toutes sociétés » et ne pouvant donc se voir imputer de procéder à des actes médicaux non justifiés.