Les partenaires de la Media Freedom Rapid Response (MFRR), les organisations de défense des droits de l’homme et de la transparence et les juristes internationaux saluent la décision de la Cour suprême de Croatie de révoquer la décision du tribunal de première instance, qui a permis l’extradition de Jonathan Taylor, lanceur d’alerte, vers Monaco.
Si l’affaire doit maintenant être renvoyée devant le tribunal de Dubrovnik, nous demandons à la Cour de faire ce qui s’impose et de permettre à Jonathan Taylor de rentrer chez lui au Royaume-Uni sans délai.
En 2014, M. Taylor a dénoncé un réseau international de pots-de-vin de 275 millions de dollars versés par son ancien employeur, la société de plate-forme pétrolière SBM Offshore, pour obtenir des contrats pétroliers dans le monde entier. Les preuves qu’il a fournies au Serious Fraud Office britannique et aux enquêteurs au Brésil et aux Pays-Bas, ainsi qu’au FBI et au ministère de la justice des États-Unis, ont contribué à ce que SBM Offshore soit condamnée à une amende de plus de 800 millions de dollars.
Malgré les preuves dont disposent les autorités de Monaco, où la SBM Offshore a son siège social, la société n’a jamais fait l’objet d’une enquête dans ce pays. Au lieu de cela, les autorités monégasques ont accepté – et ont continué pendant six ans à poursuivre – une plainte pénale déposée en 2014 contre Jonathan Taylor par la SBM Offshore l’accusant de corruption. Bien que l’affaire ait été rejetée par un tribunal monégasque il y a deux ans, elle a été rouverte et, au début de l’année, Monaco a demandé une notice rouge d’Interpol qui a abouti à l’arrestation de Jonathan Taylor à l’aéroport de Dubrovnik le 31 juillet 2020, juste au moment où il arrivait pour de courtes vacances avec sa famille. Libéré sous caution cinq jours plus tard, M. Taylor a maintenant passé plus de 80 jours dans l’incertitude, incapable de quitter le pays, contraint de se battre pour sa liberté par le biais du système juridique croate. La vie de Jonathan Taylor est en suspens et sa capacité à travailler et à subvenir aux besoins de sa famille est menacée.
Le cas de Jonathan Taylor est un autre exemple de la manière dont le système de notices rouges d’Interpol peut être utilisé abusivement pour cibler et intimider les lanceurs d’alerte, les journalistes et autres sentinelles essentielles à l’intérêt général. C’est également un exemple de la manière dont les systèmes juridiques nationaux sont utilisés par des entités puissantes pour réduire au silence et punir ceux qui osent divulguer des informations dans l’intérêt public (autrement connu sous le nom de poursuites stratégiques contre la participation du public, ou poursuites-bâillons).
La semaine dernière, le rapporteur général de l’Assemblée parlementaire pour le Conseil de l’Europe (APCE) sur la protection des lanceurs d’alerte, Pieter Omtzigt, a publié une déclaration appelant les autorités monégasques à cesser de persécuter Jonathan Taylor, déclarant que “le recours par Monaco à la procédure de notice rouge à cette fin est un abus de procédure exactement du type de celui que l’Assemblée parlementaire a condamné dans ses précédents rapports sur l’utilisation abusive d’Interpol”. M. Omtzigt a ajouté : “La persécution implacable, même de lanceurs d’alerte qui ont réussi comme M. Taylor, est inacceptable. Elle a un effet paralysant sur tous ceux qui constatent des menaces pour l’intérêt public et envisagent de nous alerter, au nom de notre santé et de notre sécurité, et de la lutte contre la corruption et la criminalité”.
Nous continuons à demander au tribunal de Dubrovnik de veiller à ce que Jonathan Taylor et sa famille soient libres de rentrer chez eux. Toutefois, cela ne suffit pas ; nous demandons également que la SBM Offshore abandonne officiellement sa plainte pénale contre Jonathan Taylor et que les autorités monégasques retirent officiellement leur demande d’extradition et toutes les charges retenues contre lui.
Signataires
Blueprint for Free Speech (International)
Centre for Free Expression (Canada)
European Centre for Press and Media Freedom (ECPMF)
European Federation of Journalists (EFJ)
Government Accountability Project (United States)
The Guernica Group (United Kingdom)
Maison des Lanceurs d’Alerte (France)
Pištaljka (Serbia)
Platform to Protect Whistleblowers in Africa (PPLAAF)
Protect (United Kingdom)
The Signals Network
Transparency International
Transparency International Bulgaria
Transparency International Ireland
Whistleblowing International Network (WIN)
Cathy James, avocate et ancienne directrice générale de Public Concern at Work (désormais appelé Protect)
Professeur David Lewis, chef de l’unité de recherche sur l’alerte, Université du Middlesex
Peter Matjašič, chargé de programme principal à l’Open Society Initiative for Europe (OSIFE)
Cette déclaration a été coordonnée par la Media Freedom Rapid Response (MFRR), qui suit, contrôle et réagit aux violations de la liberté de la presse et des médias dans les États membres de l’UE et les pays candidats. Ce projet fournit un soutien juridique et pratique, une défense publique et des informations pour protéger les journalistes et les travailleurs des médias. Le MFRR est organisé par un consortium dirigé par le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias (ECPMF) et comprenant ARTICLE 19, la Fédération européenne des journalistes (FEJ), Free Press Unlimited (FPU), l’Institut d’informatique appliquée de l’Université de Leipzig (InfAI), l’Institut international de la presse (IPI) et le CCI/Osservatorio Balcani e Caucaso Transeuropa (OBCT). Le projet est cofinancé par la Commission européenne.