Jeudi 2 mars, la présidence suédoise du Conseil de l’UE a présenté son projet de compromis concernant la proposition de directive visant à lutter contre les « poursuites stratégiques altérant le débat public » soumise par la Commission européenne. Ce compromis vide de sa substance les mécanismes protecteurs de la directive et inquiète les ONG mobilisées sur ce sujet dans toute l’Europe.
C’est une étape habituelle du processus : dans le cadre du trilogue mené entre les instances de l’Union européenne (Commission, Parlement et Conseil de l’UE), la présidence du Conseil s’est prononcée sur le projet de directive européenne visant à lutter contre les SLAPPs (Strategic lawsuits against public participation – en français : poursuites stratégiques altérant le débat public ou encore poursuites-bâillons).
Inquiète de la position du Conseil, qui revient sur la plupart des avancées proposées par la Commission pour lutter efficacer contre les poursuites-bâillons, la coalition CASE (Coalition Against SLAPPs in Europe), dont la Maison des Lanceurs d’Alerte fait partie, a écrit au représentant permanent de la Suède auprès de l’Union européenne.
Trois points la préoccupent principalement :
- le Conseil a supprimé la définition (large) des sujets « ayant une incidence transfrontière » concernés par la proposition de directive. Cette suppression a pour conséquence le risque d’une définition restreinte et non harmonisée de ces sujets, qui exclurait un très grand nombre de poursuites du champ d’application de la directive, avec le risque de la rendre purement et simplement inopérante.
- la notion de procédures « manifestement infondées » est définie de manière si restrictive par le Conseil qu’elle prive de toute utilité le mécanisme de rejet rapide proposé par la Commission et au cœur des revendications de la coalition CASE ;
- les mesures visant à dissuader les instigateurs de poursuites-bâillons ont été édulcorées et l’article 15 qui prévoit la réparation des dommages causés par ces poursuites a été tout simplement supprimé.
La coalition, qui avait salué, en avril 2022, le projet de directive soumis par la Commission, estime que « l’ensemble de ces changements viderait de toute substance une future proposition de directive en la privant d’efficacité » ajoutant que « sur les 570 cas de poursuites-bâillons identifiés par CASE en Europe, seuls 10 % entreraient dans le champ d’application prévu par le projet de compromis de la Présidence. »
La Maison des Lanceurs d’Alerte et Sherpa, toutes deux membres de CASE, ont également fait part de leurs inquiétudes au gouvernement français en insistant sur la nécessité de préserver un champ d’application vaste pour le texte et de ne pas enserrer le mécanisme de demande de rejet rapide dans des conditions trop strictes.