Puis-je divulguer mes informations à la presse ?

La divulgation publique (en relayant par exemple mon signalement sur les réseaux sociaux ou en l’adressant aux médias) est la plus restreinte des options qui s’offrent à moi pour lancer l’alerte. Je peux le faire sans risquer de perdre le bénéfice d’une protection dans les cas suivants (art. 8-III de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016) :

  • j’ai déjà réalisé un signalement externe, et éventuellement interne mais ce dernier n’est pas obligatoire, et aucune mesure appropriée n’a été mise en œuvre pour remédier aux faits que je dénonce dans un délai de 3 à 6 mois selon l’autorité saisie ;
  • si mon alerte intervient dans le cadre professionnel, en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général, notamment lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible.
    Attention : hors du cadre professionnel, il faut que le danger soit grave et imminent ;
  • je crains de courir un risque en faisant un signalement externe ;
  • un tel signalement ne permettrait pas de mettre fin à la situation que je veux dénoncer. Cela peut être le cas si des preuves risquent d’être détruites ou dissimulées ou si j’ai de sérieuses raisons de penser que l’autorité à laquelle je dois m’adresser et les faits que je veux dénoncer entrent en conflit d’intérêt.

Attention : seule la première condition permet de divulguer une alerte, lorsque la divulgation publique porte atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationales.

 

Certains médias ont mis en place des plateformes en ligne permettant de leur transmettre, de manière sécurisée, des documents attestant des faits répréhensibles dont je suis témoin, par exemple :

  • FrenchLeaks : site dédié à la diffusion de documents d’intérêt public concernant notamment la France et l’Europe, édité par le journal d’information en ligne Mediapart ;
  • Lanceur d’enquêtes : Lanceur d’enquêtes permet aux citoyens d’alerter les journalistes de Mediacités sur des dérives, mais aussi de leur suggérer des pistes d’enquête et de leur transmettre des documents de manière sécurisée ;
  • le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ) : fondé en 1997 par le journaliste Charles Lewis, l’ICIJ traite le crime et la corruption transfrontaliers, les abus de pouvoir et la responsabilité des gouvernements. Il regroupe plus de 200 journalistes de 70 pays ;
  • Source sûre : le site Source sûre permet à des lanceurs d’alerte d’envoyer des informations confidentielles à un ou plusieurs medias au choix de façon anonyme et intraçable. Les médias ayant reçu les documents décideront de donner suite ou non. Si le lanceur d’alerte accepte d’être recontacté, le journaliste ayant reçu les documents pourra dialoguer avec lui en ligne.

 

Le droit à la protection des sources dont disposent les journalistes peut leur permettre de taire l’identité de la personne qui les a renseigné·e·s.

Toute personne qui exerce à titre régulier et rétribué une mission d’information du public peut bénéficier de ce droit, y compris, par exemple, les blogueurs qui tirent une rémunération de leur activité, ou les travailleurs indépendants écrivant dans des blogs.

La notion de source recouvre deux éléments :

  • la source proprement dite, qui désigne toute personne qui fournit des informations à un journaliste ;
  • les informations permettant d’identifier une source, qui comprennent :
    • le nom et les données personnelles ainsi que la voix et l’image d’une source ;
    • les circonstances concrètes de l’obtention d’informations par un journaliste auprès d’une source ;
    • la partie non publiée de l’information fournie par une source à un journaliste ;
    • les données personnelles des journalistes et de leurs employeurs liées à leur activité professionnelle.

Il en découle qu’il est interdit de procéder à des investigations concernant la famille, les contacts réguliers ou les collaborateurs des journalistes de nature à permettre l’identification des sources.

Pour m’assurer que je pourrai bénéficier de l’anonymat grâce à la protection des sources des journalistes, je dois a minima prendre les précautions suivantes :

  • m’assurer avec le ou la journaliste que les informations sont suffisamment intéressantes et inédites pour qu’on puisse considérer qu’elles nourrissent vraiment le débat public ;
  • m’assurer que le ou la journaliste ne sera pas amené·e à tout publier in extenso sur un site web, sans commentaire ou éclairage. Cela ne correspondrait pas à ce que la CEDH conçoit comme du journalisme responsable, qui implique de trier les informations de sorte à ne pas tromper le public ;
  • dans le même ordre d’idée, m’assurer que le ou la journaliste évitera la provocation verbale gratuite et les insinuations – ce qui ne signifie pas qu’il n’est pas possible d’utiliser un langage un peu provocateur. L’important est que la forme provocatrice soit justifiée par la nature des informations présentées.

 

Enfin, il est important de se rappeler que même si le droit à la protection des sources est considérée comme « l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse » par la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme), il arrive néanmoins que ce droit soit mis à mal et que l’identité du lanceur d’alerte soit révélée contre son gré.

En outre, il est important d’être conscient·e que :

  • l’intérêt des journalistes et des rédactions (en termes d’angle, de nature et de quantité d’informations révélées, de temporalité…) peut diverger de ceux du lanceur d’alerte ;
  • la médiatisation d’un problème n’est pas toujours suivie de mesures pour y remédier qu’il s’agisse de changements internes, de réformes législatives ou encore de sanctions ou poursuites judiciaires. En médiatisant une affaire, vous prenez donc le risque d’être exposé·e, sans être certain·e que la situation que vous dénoncez évolue.