Fille d’un vigneron décédé d’un cancer broncho-pulmonaire, reconnu comme maladie professionnelle, Valérie Murat porte en elle une histoire à la fois intime et profondément politique. Son père, exposé pendant plus de quarante ans à l’arsénite de sodium, n’a jamais été informé des dangers mortels du produit qu’il utilisait.
Elle crée l’association Alerte aux Toxiques (ATT) pour informer sur les effets nocifs des pesticides et dénoncer leur utilisation massive, en particulier dans le secteur viticole. En 2019, l’association s’intéresse au label HVE (Haute Valeur Environnementale), apposé sur des bouteilles de vin du Bordelais. À rebours de l’image écologique qu’il véhicule, ce label autorise l’utilisation de pesticides de synthèse, toxiques et dangereux pour la santé. Analyses à l’appui, l’association publie un dossier visant à informer les consommateur·trices.
La riposte est brutale. Le Comité interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), soutenu par 25 syndicats ou châteaux viticoles, attaque ATT et Valérie Murat en justice pour « dénigrement ». En février 2021, le tribunal judiciaire de Libourne prononce en première instance une sanction record de 125 000 euros, assortie d’une exécution provisoire : sans paiement immédiat, son appel ne peut pas être poursuivi.
Face à cette décision, une cagnotte citoyenne est lancée. En quelques mois, près de 3 000 personnes, dont plusieurs organisations nationales, se mobilisent pour permettre le versement de la somme dans les délais imposés. Grâce à cette solidarité, ATT et Valérie Murat ont pu poursuivre leur appel en octobre 2023. Les plaignants tenteront alors d’empêcher l’appel en déposant une deuxième demande de radiation devant la cour d’appel de Bordeaux, arguant que cette levée de fonds constituerait une infraction pénale. Cette tentative échoue : la demande est rejetée en septembre 2024, ouvrant la voie à la procédure d’appel contre la décision de 2021.
Aujourd’hui reconnue comme lanceuse d’alerte par la Maison des Lanceurs d’Alerte, Valérie Murat continue d’affronter, avec sa petite association, les stratégies d’intimidation déployées par une partie de l’industrie viticole. Cette affaire relève clairement d’une procédure-bâillon : il ne s’agit pas de contester ses révélations, mais de l’épuiser, financièrement et moralement, pour la faire taire. Comme le rappelle Maître Éric Morain, son ancien avocat, qui a quitté la profession en 2022, dans une interview à Vitisphère : « Jamais une procédure bâillon n’a aussi bien porté son nom. »
Valérie Murat : la lanceuse d’alerte qui ulcère le vignoble bordelais, Radio Ter, mai 2022.
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Valérie Murat, la lutte en vin, Libération, 8 mai 2022.
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Pesticides dans des vins labellisés HVE : 3 questions à la lanceuse d’alerte Valérie Murat, Maison des Lanceurs d’Alerte, 20 mars 2022.
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« Que met-on sur les vignes dans le Bordelais ? » : la question à 125 000 euros que Valérie Murat a osé poser, Basta média, 20 janvier 2022.
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Vidéo de Valérie Murat, suite aux poursuites-baillons auxquelles elle est confrontée depuis du CIVB.
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Communiqué de soutien de 43 organisations internationales, 24 février 2021.
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Valérie Murat : « Les pesticides ont tué mon père vigneron », L’Obs, 26 septembre 2017.
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