Traitement des alertes : un décret décevant

C’est le point final qui manquait à la loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte votée en février dernier : le décret venant préciser les modalités d’application de ce texte est paru ce 4 octobre 2022.

Il liste notamment les autorités externes vers lesquelles les lanceurs d’alerte peuvent se tourner pour signaler et faire cesser les faits répréhensibles dont ils sont témoins. C’est la première fois que cette question du traitement des alertes est réellement prise en considération par une législation ad hoc. Mais sur ce volet, le résultat n’est pas à la hauteur des enjeux.

Ces autorités externes ne pouvaient auparavant être saisies qu’à la condition que le lanceur d’alerte ait préalablement signalé les faits en interne, sans quoi ce dernier ne pouvait pas se voir accorder la protection à laquelle il a droit.

Depuis le 1er septembre dernier, ce n’est plus le cas. La loi de 2022 est venue modifier la loi Sapin II de 2016, pour laisser aux lanceurs d’alerte le choix de procéder indifféremment à un signalement interne ou externe en fonction de leur situation. Les autorités listées dans le décret ont l’obligation de traiter les signalements et de faire un retour d’informations sur les mesures prises ou envisagées pour remédier au problème dans un délai de 3 à 6 mois.

Il s’agit là d’une avancée significative et demandée de longue date notamment par la Maison des Lanceurs d’Alerte, mais le décret publié ce jour réduit significativement l’ambition initiale de la loi, du fait du nombre restreint d’autorités désignées et de la faiblesse des moyens associés à leur mission.

En effet, certaines autorités aux prérogatives importantes, comme les agences régionales de santé (ARS) qui ont un pouvoir de tutelle sur les établissements sanitaires et médico-sociaux, n’intègrent pourtant pas la liste des autorités soumises à ces obligations de retour et de traitement, au bénéfice d’autorités aux pouvoirs davantage prescriptifs que coercitifs. Or, ces pouvoirs d’instruction et de sanction sont généralement les seuls remèdes pour faire cesser les dysfonctionnements dénoncés. L’absence d’autorités comme les ARS est d’autant plus regrettable qu’elles interviennent à un niveau territorial adéquat pour constater et traiter les difficultés dénoncées auprès des acteurs concernés.

La Maison des Lanceurs d’Alerte regrette aussi l’absence d’autres autorités pertinentes, disposant d’une réelle expertise sur l’appréciation des risques, telles que la Haute Autorité pour la transparence dans la vie publique (HATVP), la commission nationale de la Déontologie et des Alertes en matière de santé publique et d’environnement (cnDAspe) ou encore l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Si les autorités ne figurant pas dans ce décret pourront tout de même être saisies des sujets les concernant, elles ne seront pas assujetties aux obligations du décret, notamment quant au retour d’informations dû au lanceur d’alerte. Nos efforts de pédagogie, de formation et de communication devront être d’autant plus importants pour informer les personnes de leurs droits et rappeler l’existence de ces autorités importantes non mentionnées dans le décret.

Enfin, en dépit de cette liste, la Maison des Lanceurs d’Alerte s’inquiète de l’efficacité des dispositifs de traitement dans un contexte où aucun moyen supplémentaire n’est accordé à ces autorités. L’effort va donc manifestement peser sur un nombre limité d’organisations aux moyens réduits.

Autant de carences qui nuisent donc à des standards qualitatifs essentiels au bon traitement des alertes – un constat que nous faisons au quotidien, après bientôt 4 années d’accompagnement des lanceurs d’alerte.

Ces lacunes manifestes montrent la nécessité de poursuivre le combat mené par la Maison des Lanceurs d’Alerte et ses organisations membres pour faire entendre la voix des lanceurs d’alerte et leur permettre de jouer pleinement leur rôle de prévention des crises sanitaires, écologiques, sociales et politiques, au cœur de l’actualité.

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