Depuis sa création, la Maison des Lanceurs d’Alerte a reçu plus de 200 demandes de soutien

Créée en octobre 2018, la Maison des Lanceurs d’Alerte offre un soutien juridique et psychologique aux lanceurs d’alerte qui en ont besoin. Depuis sa création, elle a reçu plus de 200 demandes, un chiffre qui révèle l’ampleur des dysfonctionnements que l’on peut observer actuellement dans une multitude de secteurs.

 

Souvent méconnue du grand public, la question des lanceurs d’alerte fait, de temps à autres, la une de l’actualité à l’occasion de grandes affaires telles que les LuxLeaks, les Panama Papers, les Football Leaks ou encore le procès du Médiator. Mais le sort des lanceurs d’alerte ne se résume pas à ces quelques cas médiatiques : la grande majorité reste dans l’ombre, comme le montrent les dizaines de sollicitations reçues chaque mois par la Maison des Lanceurs d’Alerte.

Si 33% des sollicitations touchent à des affaires de corruption, la diversité des domaines concernés est surprenante : santé, droit du travail, maltraitance animale, protection de la vie privée… Plus des deux-tiers des alertes reçues prennent place dans le cadre du travail (avec une répartition à peu près équivalente entre secteur privé et secteur public).

 

 

Typologie des demandes de soutien reçues par la Maison des Lanceurs d’Alerte depuis 2018.

 

Mais dans le tiers des cas, les lanceurs d’alerte ne sont ni salarié ni bénévole de l’organisation dans laquelle ils ont observé des dysfonctionnements. Ils peuvent être membre d’une association, usager ou simple citoyen ayant accès à des informations compromettantes.

Un accompagnement protéiforme

L’aide apportée par la Maison des Lanceurs d’Alerte n’est pas la même en fonction des situations : comme l’explique Juliette, juriste au sein de la Maison des Lanceurs d’Alerte, « l’aide sera plus restreinte pour les alertes qui sont difficiles à démontrer scientifiquement et qui ne permettent pas toujours de qualifier la personne de lanceur d’alerte ». De plus, dans les cas où l’alerte n’est pas lancée par un salarié – des cas mal couverts par la loi Sapin 2, législation de référence en matière de protection des lanceurs d’alerte – l’accompagnement juridique n’est pas de même nature puisque la personne ne risque pas de représailles professionnelles telles que le licenciement ou la rétrogradation qui restent monnaie courante.

Parfois, l’accompagnement juridique n’est pas au cœur de la demande. La qualification juridique des faits reste un préalable : comme l’explique Jean-Philippe, juriste et chargé du plaidoyer pour la Maison des Lanceurs d’Alerte, « il faut tout d’abord s’assurer qu’on est bien face à une alerte qui relève de l’intérêt général ». Mais le soutien apporté peut être d’ordre médiatique ou psychologique. Ainsi, depuis 2018, 10 personnes ont bénéficié d’une aide médiatique de la part de la Maison des Lanceurs d’Alerte qui a rédigé un communiqué de soutien ou les a mises en lien avec un journaliste spécialisé. Cinq lanceurs d’alerte ont été orientés vers une psychologue du travail qui intervient bénévolement pour l’association.

Il arrive que le besoin formulé ne nécessite qu’un seul échange permettant d’orienter la personne vers des interlocuteurs mieux à même de lui répondre. Dans d’autres cas, plus complexes, l’équipe de la permanence juridique est amenée à rédiger des notes de soutien et à échanger avec les avocats. Sur les 200 alertes reçues, une quarantaine ont donné lieu à un accompagnement très poussé, s’étendant sur plusieurs mois, avec de nombreux échanges. Pour une petite vingtaine, aucun échange n’a pu avoir lieu, faute de suite donnée à la prise de contact. Dans plus de la moitié des cas, un échange téléphonique et quelques précisions par mail, après analyse des pièces du dossier, ont suffit à répondre au besoin du lanceur d’alerte. Mais l’équipe tient à préciser qu' »à tout moment, les lanceurs d’alerte peuvent revenir vers la permanence si un nouveau problème ou une nouvelle question apparaît ».

Une activité en développement

L’aide financière et l’aide à la réinsertion professionnelle sont, à l’heure actuelle, en suspens. « Il faut attendre que nous consolidions ce qui fonctionne bien pour le moment, comme la permanence juridique. Ensuite, nous pourrons développer ces formes d’accompagnement qui sont cruciales pour les lanceurs d’alerte. On a beaucoup de demandes déjà » indique Blandine, chargée du développement et de la communication.

 

 

Stade et répartition géographique des demandes de soutien reçues par la Maison des Lanceurs d’Alerte depuis 2018.

 

L’autre défi de l’année à venir sera de renforcer l’ancrage régional de la Maison des Lanceurs d’Alerte. Actuellement, la majorité des sollicitations viennent d’Île-de-France mais toutes les régions sont représentées, y compris l’outre-mer. Un enjeu qui fait le lien avec le plaidoyer : « ce serait intéressant d’avoir des ambassadeurs dans d’autres villes, des personnes qui pourraient, par exemple, interpeler leur député sur la question de la protection des lanceurs d’alerte pour qu’il se positionne, qu’il agisse. »

D’ici fin 2021, la France doit transposer en droit interne la directive européenne pour la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, adoptée par le Parlement européen à l’automne 2019, un enjeu sur lequel la mobilisation de l’opinion publique sera sans aucun doute nécessaire.

 

 

 

 

 

 

Crédit photo : CC-BY Jason Hargrove

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