Le 2 juillet 2020, Global Witness et PPLAAF ont révélé, dans une enquête conjointe intitulée « Des sanctions, mine de rien », la face sombre de l’empire commercial du milliardaire Dan Gertler. Ont également participé à cette enquête internationale Le Monde, Bloomberg et Haaretz. Le rapport révèle un système apparemment conçu pour dissimuler des versements et dépôts pouvant aller jusqu’à plusieurs millions de dollars. Ce système aurait permis à Gertler de continuer à tirer d’énormes profits de ses activités commerciales en République Démocratique du Congo (RDC), malgré les sanctions à son encontre imposées par les États-Unis en décembre 2017 suite à ses « contrats miniers et pétroliers opaques et entachés de corruption ». Comme l’indiquent les deux associations, ces révélations « mettent en évidence des lacunes et des défaillances critiques dans les mécanismes d’application des sanctions financières et de la lutte contre le blanchiment d’argent, ainsi que le rôle joué par des avocats, le secret des affaires, et des réglementations bancaires laxistes ». L’enquête s’est en partie fondée sur des documents produits par des lanceurs d’alerte dont l’anonymat a été préservé.
La veille de la publication du rapport, la principale banque visée par les enquêtes, Afriland First Bank RDC, a déposé plainte contre PPLAAF et Global Witness devant le parquet de Paris. La plainte porte des accusations très graves, à l’encontre des deux associations. En effet, pas moins de 8 chefs d’accusation y figurent : vol et abus de confiance, chantage, corruption privée, violation du secret bancaire, faux et usage de faux, dénonciation calomnieuse, recel, et ce en bande organisée. Elle a été déposée suite à des menaces faites par Dan Gertler, via ses avocats londoniens, qui ont explicitement évoqué la possibilité de déposer une telle plainte le 11 juin 2020. En outre, cette plainte s’est accompagnée d’une campagne de dénigrement outrancière des deux associations sur les réseaux sociaux.
Une fois de plus, ces attaques démontrent que lorsque de graves abus sont mis en lumière, la première réaction des personnes mises en cause consiste à prendre des mesures de rétorsion contre celles et ceux qui travaillent pour faire éclater la vérité, et à tenter de décrédibiliser leur parole. Le but de la manœuvre est de détourner l’attention de l’opinion publique du message principal, et attenter à ceux qui le portent en les épuisant financièrement, moralement et nerveusement.
Ces « poursuites-bâillons » dont font l’objet lanceurs d’alerte, journalistes et ONG n’ont d’autre objet que de faire en sorte que ceux qui commettent des abus n’aient pas à s’expliquer et à rendre des comptes. Ce faisant, elles favorisent le maintien de l’impunité, de la mauvaise gouvernance et, in fine, des violations des droits humains.
Parce que le droit fondamental à la liberté d’expression est en jeu, et que ce n’est que lorsque des pratiques abusives sont mises à jour que ces derniers diminuent, la Maison des Lanceurs d’Alerte apporte son soutien plein et entier aux ONG Global Witness et PPLAAF. Dévoiler des abus ne devrait jamais être un crime. Ce n’est pas à ceux qui la révèlent d’avoir à rendre des comptes, mais aux auteurs ou complices des actes révélés.
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Crédit photo : Simon Dawson/Bloomberg via Getty Images