Maltraitances à Moussaron : 3 questions à Céline Boussié

Près de 10 ans après avoir lancé l’alerte Céline Boussié attend, ce jeudi 8 décembre, le délibéré du tribunal correctionnel d’Auch. Constituée partie civile, la lanceuse d’alerte avait déposé plainte pour le harcèlement moral dont elle a été victime en lançant l’alerte.

Pourquoi avoir lancé l’alerte ?

Céline Boussié : Fin mai 2013, j’avais pris rendez-vous avec un syndicat pour échanger avec eux sur des conditions de travail de l’IME de Moussaron dans lequel je travaillais depuis quelques années. Nous étions quatre à avoir été sanctionnés pour avoir fait remonter plusieurs signalements. Finalement je me suis épanchée sur les dysfonctionnements dans le traitement des enfants et adultes polyhandicapés que l’établissement accueillait. J’avais été formée en parallèle de mon entrée dans l’établissement et j’étais ahurie de voir les défauts de soins, d’hygiène et même de maltraitances sur certains patients.

En interne, je n’ai jamais cessé d’alerter. J’ai prévenu le CHSCT, la déléguée syndicale. J’ai aussi inscrit les dysfonctionnements que je constatais dans les cahiers de transmission. Il n’était pas question que je reste là sans rien dire et je sentais bien que ça n’allait pas être si simple que ça.

Comment votre alerte a-t-elle été reçue ?

Céline Boussié : En novembre 2013, l’ARS – après avoir été alertée – a publié un rapport reconnaissant ces dysfonctionnements. Le rapport était clair, il mentionnait les maltraitances et la nécessité de protéger les lanceurs d’alerte de la direction de l’établissement. Suite à ce rapport, une administration provisoire a été nommée.

Quand ce qu’il se passait à Moussaron a commencé à être médiatisé, les insultes ont fusé. J’avais témoigné anonymement mais ça n’a pas été respecté et on m’a reconnue, malheureusement. Ce sont alors enchainés des mois et des mois de harcèlement par des salariés de l’établissement. J’ai subi un véritable raid numérique. Mes enfants, à l’époque mineurs, étaient aussi ciblés. Mes détracteurs venaient jusqu’à mon domicile. C’est ainsi que j’ai finalement été placée sous protection par la justice.

Qu’attendez-vous du délibéré ?

Céline Boussié : Fin mai 2014, j’avais été licenciée pour inaptitude à tout poste suite aux problèmes de santé survenus à cause du harcèlement que j’avais subi. Si je m’en remets à la justice, j’espère tout de même une condamnation pour ce harcèlement et l’impact qu’il a encore aujourd’hui sur moi et mes proches.

Les faits que j’ai révélés en 2013 avaient été dénoncés bien avant moi en 1995 puis en 1999 par Bernadette Collignon et d’autres. Toutes les personnes qui ont alerte ont été condamnées en diffamation suite à leurs alertes. J’ai été relaxée, pas elles.

En cas de condamnation, cela restera une victoire avec un goût amer et un sentiment de profonde injustice pour les autres salariés qui ont, eux aussi, été ciblés pour leurs révélations, mais surtout pour les résidents et leur famille. On ne montre jamais les conditions de vie des personnes polyhandicapées. Fort heureusement tous les établissements sanitaires et sociaux et médico-sociaux ne dysfonctionnent pas. Cependant, quand, comme à l’IME de Moussaron, il y a des signalements pour maltraitances et maltraitances institutionnelles, les familles et les professionnels qui osent dénoncer subissent encore des représailles.