Police : il faut en finir avec la loi de l’omerta

Coécrit par deux officiers de police, le livre « Police : la loi de l’omerta » témoigne du sort réservé aux agents qui dénoncent des pratiques inacceptables au sein des forces de l’ordre. Au lendemain d’une loi qui réaffirme l’interdiction des représailles envers les lanceurs d’alerte, la Maison des Lanceurs d’Alerte demande au ministre de l’Intérieur de prendre ce problème à bras-le-corps.

Ce jeudi 1er décembre sort un livre-événement intitulé Police : la loi de l’omerta. Coécrit par deux officiers de police, ce livre témoigne du sort réservé aux agents de police qui dénoncent des pratiques inacceptables, loin de toute forme de déontologie, au sein même des forces de l’ordre. Il met au jour les mécanismes par lesquels ces lanceurs d’alerte se retrouvent bâillonnés, contraints à taire les dysfonctionnements dont ils sont les témoins, au mépris du droit d’alerte et des obligations statutaires attachées à leur fonction.

Cette omerta, tous les policiers lanceurs d’alerte que nous avons accompagnés l’ont dénoncée. Tous ont subi des représailles inacceptables : mises à l’écart, sanctions disciplinaires, demandes d’expertises psychiatriques, violences… Cela doit cesser ! Au lendemain d’une loi qui réaffirme l’interdiction des représailles envers les lanceurs d’alerte, nous demandons au ministre de l’Intérieur de prendre ce problème à bras-le-corps et de consolider le dispositif d’alerte au sein de la police. Il est essentiel et urgent de garantir aux policiers lanceurs d’alerte la protection qui leur est due et de remédier aux dysfonctionnements qu’ils dénoncent.

La Maison des Lanceurs d’Alerte accompagne actuellement plus d’une dizaine de lanceurs d’alerte issus des rangs de la police, parmi lesquels le brigadier-chef Amar Benmohamed, dont les révélations sur le racisme et les maltraitances commises par des agents de police au dépôt du tribunal de Paris ont été largement médiatisées ; mais aussi de nombreux anonymes qui, comme lui, œuvrent à résorber des problèmes graves et peinent à obtenir de la part de leur hiérarchie la reconnaissance qu’ils méritent. Pire, ils se voient sanctionnés, mis sous pression, intimidés voire humiliés. Il servent pourtant cette institution avec loyauté et une volonté sincère de la faire évoluer vers plus de justice et d’exemplarité, pour redonner du sens à leur mission et conserver le lien de confiance avec les citoyens. Ces policiers intègres, prêts à s’opposer à des agissements illégaux, doivent être encouragés dans leur démarche et non réduits au silence.

Nous voulons aussi rappeler à M. le Ministre que le devoir de réserve, qui leur est souvent opposé, ne prévaut pas sur le droit d’alerter. La loi du 21 mars 2022 a réaffirmé ce principe. Alerter n’est pas promouvoir ses propres convictions politiques. C’est faire appliquer la loi ou refuser qu’un acte attentatoire à l’intérêt général puisse se perpétrer. Le code de déontologie de la police rappelle d’ailleurs le droit, et même le devoir, de désobéir à un ordre illégal. Comment imaginer que l’exercice de ce droit donne lieu à sanction ?

Nous appelons à garantir aux agents de police la protection assurée aux lanceurs et aux lanceuses d’alerte et à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser la persécution dont ils et elles font l’objet. Des textes contraignants, législatifs ou réglementaires, doivent rappeler aux hiérarchies leurs devoirs et les dispositions de la loi pour mieux intégrer l’alerte au sein des forces de l’ordre, comme le demandaient récemment des sénateurs à l’occasion de l’examen de la loi de programmation et d’orientation du ministère de l’Intérieur.

Ce livre et notre expérience de l’accompagnement des lanceurs d’alerte témoignent de défaillances graves et systémiques dans le contrôle de l’action des forces de l’ordre. Cela doit changer. Un dispositif d’alerte solide doit permettre de signaler toute pratique abusive, de toute nature et dans tous les services, en toute confidentialité et sans craindre de subir des représailles. Ce dispositif doit être parfaitement indépendant, ce qui suppose une réforme de l’IGPN, du statut de ses inspecteurs, de son rattachement voire de sa forme administrative pour la consacrer comme autorité administrative indépendante.

Dans l’attente d’une refonte profonde des dispositifs d’alerte au sein de la police, la Maison des lanceurs d’alerte continuera à défendre et assister les lanceurs et les lanceuses d’alerte qui signalent des comportements irréguliers ou des consignes illégales.