Procès aux critiques des pesticides : solidarité internationale avec Valérie Murat

Dans le procès des pesticides contre Valérie Murat, le verdict de première instance est attendu pour le 25 février 2021. Dès maintenant, 43 organisations venant de l’Europe toute entière et cinq députés européens se sont solidarisés avec l’activiste anti-pesticides citée devant le tribunal de Libourne.

Mme Murat avait prouvé la présence de résidus de pesticides chimiques dans les vins de vingt domaines du Bordelais labellisés HVE (Haute Valeur Environnementale). Le laboratoire chargé de l’analyse y avait détecté jusqu’à 15 agents chimiques par bouteille. Pour avoir publié les résultats de ces analyses, le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux CIVB a assigné Valérie Murat devant le tribunal de Libourne pour dénigrement des vins de Bordeaux et réclame la rétraction de la publication ainsi que 100 000 € de dommages-intérêts.

« Dire la vérité n’est pas un crime et pourtant on m’accuse. Mon crime? J’ai informé le public sur l’utilisation de grandes quantités de pesticides dans la culture des vins de Bordeaux. Cela aurait été une bonne occasion pour le secteur de lancer un débat ouvert sur l’avenir de la viticulture. Mais au lieu de discuter sur le fond de ma critique, le CIVB préfère m’assigner devant un tribunal. Mais je ne me laisserai pas museler et me réjouis de constater que la société civile me soutient et se défend avec moi de cette attaque manifeste contre la liberté d’expression », affirme Valérie Murat.

L’action du CIVB contre Mme Murat remplit toutes les caractéristiques d’une plainte dite SLAPP (Strategic Lawsuits Against Public Participation = Procès stratégiques contre la participation du public ou poursuite-bâillon). C’est au moyen de telles plaintes disproportionnées que les gouvernements et les entreprises cherchent à intimider et réduire au silence ceux qui, dans l’intérêt public, pointent du doigt sur les abus. De l’avis de la Commissaire européenne aux droits de l’homme, Dunja Mijatovic, ces SLAPPs menacent la liberté d’expression et leur nombre s’accroît, également en Europe.

« Les SLAPPs sont une gifle au visage des personnes concernées », confirme Veronika Feicht, responsable de la politique agricole à l’Institut de l’environnement de Munich (Umweltinstitut München). « Leur but est de démoraliser et ruiner financièrement les critiques. En règle générale, l’intention des plaignants n’est pas de corriger une affirmation jugée fausse ou injustifiée, mais de statuer un exemple. Ces tentatives d’intimidation qui sont un danger pour un débat libre et ouvert dans nos sociétés démocratiques doivent être prises au sérieux. Il ne faut pas laisser ces plaintes stratégiques créer un climat de la peur dans lequel personne n’ose plus ouvrir la bouche et nommer les abus comme tels. C’est pourquoi nous sommes aux côtés de Valérie Murat. Car notre propre expérience nous a enseigné : il n’y a qu’un seul remède dans le combat contre les SLAPPs : aboyer ensemble ! »

L’Institut de l’environnement de Munich, lui aussi, doit se défendre contre un SLAPP relatif à l’usage de pesticides. Son spécialiste des questions agricoles, Karl Bär, a été cité devant le tribunal de Bozen parce que, lors d’une campagne d’information, il a critiqué l’utilisation de hautes doses de pesticides dans les plantations de pommes du Tyrol du sud, ce qui a provoqué une plainte pour dénigrement du ministre sud-tyrolien de l’agriculture, Arnold Schuler, et avec lui de plus de1300 cultivateurs de fruits. « Le procès de Bozen devrait néanmoins montrer au CIVB que sa stratégie de réprimer les critiques indésirables au moyen de plaintes devant les tribunaux aura un effet exactement opposé. Car le procès contre l’Institut de l’environnement a révélé à un public beaucoup plus large qu’auparavant que le Tyrol du sud a un problème de pesticides », constate Karl Bär.

Sur pression de la société civile, la Commission européenne fait actuellement élaborer une étude de faisabilité pour une directive européenne contre l’abus de la justice par les SLAPPs. La décision sur une telle directive, qui ensuite devra être transposée dans le droit des États membres, est prévue pour l’automne de cette année. Outre 43 organisations, les parlementaires européens Thomas Waitz, Martin Häusling, Mounir Satouri, Marie Toussaint et Benoit Biteau (VERTS/EFA au Parlement européen) se sont déclarés solidaires avec Mme Murat. Thomas Waitz, député européen des Verts autrichien et co-président du Parti Vert européen, déclare : « La liberté d’expression doit être protégée en Europe. Nous voyons de plus en plus de cas de procès d’intimidation « SLAPP » utilisés pour abattre les militants en les forçant à la faillite financière. Ces stratégies d’oppression sont intolérables ! On ne peut laisser aucun répit aux lobbies des pesticides et de l’agroalimentaire. La société a plus que jamais besoin du précieux travail des militants. Ma plus grande solidarité avec Valérie Murat. »

Plus d’informations
 

Mise à jour 25.02.2021 : Valérie Murat et l’association Alerte aux toxiques ont été condamnées, en première instance, à payer 100 000 euros de dommages et intérêts au CIVB, le conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux, ainsi que 25 003 euros à d’autres plaignants du monde du vin. Valérie Murat annonce déjà sa volonté de faire appel de cette décision.

 
 

 

 

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