Procès en appel du Mediator : Une décision de justice à la hauteur des enjeux

Plus de 7 millions d’euros d’amende et plus de 415 millions d’euros à rembourser aux organismes de sécurité sociale et mutuelles : après un procès de six mois et une bataille judiciaire de longue haleine, la cour d’appel de Paris s’est prononcée mercredi 20 décembre dans le procès en appel du Mediator, ce médicament antidiabétique utilisé comme coupe-faim. Le groupe pharmaceutique Servier a été reconnu coupable de tous les délits qui lui étaient reprochés, y compris le délit d’escroquerie pour lequel il avait été relaxé en première instance.

Un verdict « à la hauteur des enjeux », estime Irène Frachon, la pneumologue qui avait révélé le scandale. Une victoire et un soulagement pour les victimes, face à cette décision qui laisse un véritable sentiment de justice.

Au total, 7 650 personnes se sont constituées parties civiles au procès, la plupart dans le volet tromperie. Jean-Philippe Seta, ex-bras droit du tout-puissant fondateur du groupe et seule personne physique prévenue au procès en appel, a été condamné à quatre ans de prison, dont un an ferme, à accomplir sous bracelet électronique, et à un total de près de 90 000 euros d’amende.

La cour sanctionne dans sa décision ce qu’elle considère comme, « une politique de commercialisation et de communication du groupe Servier qui consiste systématiquement à privilégier les intérêts financiers au détriment, y compris en pleine crise sanitaire, de la santé publique ». La condamnation du laboratoire médical pour tromperie aggravée ouvre, de fait, la voie à de nouvelles indemnisations pour les parties civiles, et ce, même si elles n’ont pas développé d’effets indésirables. Quelque 5.000 autres dossiers pour homicides ou blessures involontaires sont toujours à l’instruction au parquet de Paris, laissant imaginer un second procès dans les prochaines années et de nouvelles indemnisations.

Le Mediator, commercialisé en 1976 pour le traitement du diabète, mais largement détourné comme coupe-faim, a été prescrit à quelque cinq millions de personnes. Il a été retiré du marché en 2009, après qu’un lien avec des lésions cardiaques et de l’hypertension artérielle pulmonaire a été établi par la pneumologue Irène Frachon. Il est tenu pour responsable de centaines de morts.

Le rôle incontournable de la lanceuse d’alerte Irène Frachon

La docteur Irène Frachon est une pneumologue française, qui exerçait au CHU de Brest. En 2007, un de ses collègues cardiologues lui parle d’une patiente diabétique en souffrance et avec des lésions valvulaires, sous Médiator. Elle commence à se renseigner, accumule les preuves des dangers du médicament et alerte l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, devenue ANSM). Le Mediator sera retiré du marché en 2009.

En 2010 elle publie le livre Mediator 150 mg. Combien de morts?, pour que les victimes, souvent sans ressources, puissent s’en servir devant les tribunaux. C’est le moment où le scandale éclate et l’affaire largement médiatisée.

Son combat de lanceuse d’alerte s’est poursuivi toutes ces années, pour informer les victimes potentielles et que les agissements criminels de Servier soient reconnus et punis.