Les critères d’information « essentielle, nouvelle et inconnue » portent une grave atteinte à la protection des lanceurs d’alerte en Europe

Condamné en 2017 par la justice luxembourgeoise pour avoir révélé un système d’évasion fiscale de grande ampleur dans le cadre des LuxLeaks, Raphael Halet a intenté un recours auprès de la Cour Européenne des Droits l’Homme (CEDH) pour faire invalider l’arrêt de la Cour d’Appel de Luxembourg qui lui refuse une protection au titre de la liberté d’expression. D’après la Cour de Luxembourg, l’information que celui-ci a révélé « n’est pas nouvelle, essentielle et inconnue » .

Dans ses questions aux parties, la CEDH s’interroge sur la pertinence de retenir ces critères.

Soucieuse de garantir aux lanceurs d’alerte un droit protecteur, y compris lorsqu’ils bousculent les intérêts économiques, la MLA a déposé une tierce-intervention auprès de la CEDH. Une tierce-intervention vise à apporter une expertise pour éclairer le juge sur des points de droit et de fait et l’aider à se prononcer en toute connaissance de cause.

La MLA a ainsi demandé à la Cour de ne pas retenir les critères d’information essentielle, nouvelle et inconnue qui affaibliraient fortement la protection des lanceurs d’alerte dans toute l’Europe, alors même que la CEDH est une des autorités les plus protectrices du monde à l’égard des lanceurs d’alerte.
Ces critères constituent en effet une source d’insécurité juridique et de vulnérabilité informationnelle majeure : les lanceurs d’alerte travaillant au sein d’une organisation ne disposent pas du temps ni des ressources pour analyser et trier les informations afin de déterminer si celles-ci présentent un caractère essentiel, nouveau et inconnu. L’application de ces critères conduirait, en outre, par ricochet, à déresponsabiliser les autorités publiques quant à leurs missions d’enquêter sur les faits signalés ou divulgués par les lanceurs d’alerte. Imposer un critère de protection trop restrictif risquerait, enfin, d’inhiber les lanceurs d’alerte dans leurs potentielles interactions avec les journalistes, par crainte que leur identité soit révélée ultérieurement, et alors même que ceux-ci sont, souvent, déjà rétifs à la publicisation de leurs alertes dans les médias, en raison des risques personnels qu’ils encourent. Il aurait un effet dissuasif supplémentaire susceptible d’amoindrir le rôle central joué par la presse dans l’information du public.

Ces critères auraient de graves répercussions sur l’effectivité de la protection des lanceurs d’alerte et c’est pourquoi la MLA a demandé leur rejet au Président de la Quatrième Section de la CEDH.

 

Consulter la tierce-intervention en intégralité

 

 

Crédit photoMelanisetteaufrais on Foter.com / CC BY

 

 

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